L'orchestre entame sur le dernier mouvement du Quatuor à cordes No. 14 de Beethoven. Une batterie s'en mêle. Peu à peu, la mélodie de On Sight, premier morceau de l'album Yeezus de Kanye West, s'impose.

La foule, qui se tient près de la scène comme dans une salle de rock plutôt que dans un concert de musique classique, se laisse emporter.

Bienvenue à Yeethoven, expérimentation qui mélange les morceaux de deux artistes que deux siècles séparent et qui n'ont, en apparence, que peu de choses en commun.

Mais les créateurs de ce rendez-vous singulier, dont la deuxième édition vient d'avoir lieu à Los Angeles, voient des similarités entre le compositeur allemand et le rappeur américain.

Chacun dans leurs registres, ils ont été des précurseurs, des personnages controversés qui ont bousculé les codes et les habitudes.

«Nombre de musiciens classiques, et je suis l'un d'entre eux, s'intéressent à la musique de Kanye», explique Yuga Cohler, chef d'orchestre au sein de la Young Musicians Foundation qui présente Yeethoven.

«Il utilise beaucoup de techniques similaires à celles utilisées par des compositeurs classiques pour rendre leur musique originale et captivante», ajoute-t-il. «Pour moi, il y avait une forme d'évidence à mêler Kanye et certains éléments de l'univers classique».

Idée «un peu folle»

Johan, compositeur qui a travaillé sur les arrangements de Yeethoven, reconnaît que l'orchestre a, au départ, trouvé l'idée «un peu folle».

«Nombre de musiciens nous ont dit qu'ils étaient inquiets que cela soit un peu caricatural, voire un peu kitsch «, ajoute-t-il. Mais l'accueil a finalement été bon lorsque tous ont compris que la démarche était sérieuse, «profonde».

Les différences entre les deux hommes sont bien sûr nombreuses, ne serait-ce que dans le style. Beethoven était connu pour sa grande timidité. Kanye West, qui ne fait pas preuve d'une modestie excessive, s'est déjà comparé à Michel-Ange.

Après une première expérience devant un public enthousiaste en 2016, la seconde version de Yeethoven inclut désormais des morceaux de The Life of Pablo, dernier album du rappeur vedette qui forme avec Kim Kardashian l'un des couples les plus célèbres de la planète.

Pour ses créateurs, l'expérience, qui sera renouvelée le 18 janvier au Lincoln Center à New York, permet de rassembler un public particulièrement varié, un défi permanent pour la musique classique aux États-Unis où le public est très majoritairement blanc et âgé.

Jack Taylor, qui a vu Yeethoven à Los Angeles dit avoir surpris par cette association inattendue mais a trouvé le résultat «fascinant».

«Je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre en arrivant ici et cela vraiment été un choc pour moi».