Pour produire son 21e album, Zachary Richard a lancé une campagne de sociofinancement qui a porté ses fruits: 525 personnes ont acheté un des lots allant de 25 $ à 10 000 $. Parmi ces lots, il y avait la possibilité de recevoir l'artiste pour un spectacle privé. La Presse a profité de l'un de ces concerts pour rencontrer le chanteur louisianais.

«Venez, madame! Vous allez manquer quelque chose sinon!», lance avec joie Zachary Richard à une des personnes âgées de l'unité sécurisée de la résidence Villagia de l'île Paton, à Laval.

Marie-Josée Tremblay, vice-présidente des opérations de Villagia, a acheté un des lots «concert privé» de la campagne de sociofinancement de Zachary Richard pour en faire profiter les personnes âgées d'une des résidences dont elle s'occupe.

Loin de considérer ce spectacle intime comme une corvée, le chanteur est tout sourire. «Je parlais à ma mère de 96 ans avant de venir et elle m'a dit de ne pas oublier de les faire rire. Ils ont besoin de rire!»

Pendant la soirée, il chantera ses classiques La ballade de Jean Batailleur, Cap Enragé et Travailler, c'est trop dur. Il offrira également les plus récentes chansons de son album Gombo.

Pourquoi Gombo?

Pour la première fois, le titre de son album n'est pas celui d'une des chansons du disque. Il a plutôt opté pour le nom d'un plat louisianais typique. Entre autres parce qu'il s'est permis de mélanger l'anglais, le français et l'espagnol dans ce 21e opus.

«Gombo, c'est un symbole de métissage, puisque ce plat est inspiré des traditions amérindienne, française et acadienne. Surtout en ce moment, en Louisiane, on a besoin de mieux comprendre ce qui nous arrive. Avec ce renouveau de racisme, on catégorise les gens en deux camps et notre expérience en Louisiane est beaucoup plus complexe que ça», explique Zachary Richard, qui a été nommé commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres de la République française, un peu plus tôt cette année.

«Si on enlève l'influence africaine de la Louisiane, il ne reste plus rien d'intéressant en cuisine et en musique. C'est un peu une revendication d'ouverture et de tolérance.»

La jolie chanson Fais briller ta lumière, qu'il interprète avec Angélique Kidjo et une chorale, va dans ce sens. 

«L'idée que je veux communiquer est que l'espoir est un choix. La vie n'est facile pour personne. L'an passé, ma maison a été inondée et j'ai fini par voir mon salon pour la première fois il y a quelques semaines. Et ce n'est rien comparé à ce que vivent les gens à Porto Rico et Las Vegas. Mais chacun a ses défis, ses problèmes et ses faiblesses. Avec cette chanson, je prêche et je dis que nous pouvons choisir l'espoir.»

Le militant s'est aussi inspiré du drame survenu à Jena, ville du nord de la Louisiane, où six adolescents noirs ont battu un jeune blanc en 2006, pour écrire la chanson en anglais Jena Blues. Toujours dans la langue de Shakespeare, Manchac s'intéresse à la complexité du métissage en Louisiane.

«C'est une chanson qui traite d'une Créole qui a une mère africaine et un père qui est aussi son maître. Parce que ça existait en Louisiane. L'homme avait des enfants qui étaient aussi ses esclaves. Ce sont des relations tellement bizarres et complexes que nous avons de la difficulté à comprendre comment les gens ont pu agir dans ce contexte-là», dit l'artiste.

Entre ces chansons de métissage et d'ouverture se retrouvent quelques titres joyeux et sans prétention, dont Catherine, Catherine, qu'il a composé et chanté avec Robert Charlebois, et La Saskatchewan, une ode à l'amour.

«C'est vrai qu'il y a de la joie dans cet album. C'est un hasard, mais c'est un beau hasard, surtout en cette période où la Terre est un peu tombée de son axe et que ça ne tourne pas très rond», conclut-il.

________________________________________________________________

CHANSON. Gombo. Zachary Richard. RZ Records.

image fournie par RZ Records

Gombo, de Zachary Richard