Ancrée à Montréal depuis quelques années, particulièrement en septembre 2016 où elle y a tenu son événement principal (70 créateurs de réputation internationale, cinq semaines de conférences et formations), la Red Bull Music Academy présente quatre événements «expérimentaux et immersifs» en autant de soirs, de jeudi à dimanche, sous la bannière RBMA Weekender Montréal 2017.

Ce soir à la Société des arts technologiques, SADAF fait partie de l'événement Temple damné. On y envisage «une exploration de la musique extrême», c'est-à-dire bruitisme, drone, techno industrielle, avant-garde... puissance exponentielle! L'événement accueille ainsi Dopethrone (Montréal), Pan Daijing (Chine), Nadja (Toronto), Âmes Sanglantes (Québec), Orphx (Hamilton), TRNSGNDR/VHS (Baltimore). SADAF, artiste fort intéressante d'origine iranienne aujourd'hui établie à New York, proposera une performance électro-poétique. Avant qu'elle ne fasse le voyage dans notre île, nous lui avons posé les questions suivantes:

Comment êtes-vous devenue musicienne électro et performeuse?

Je ne crois pas qu'il existe un processus clair menant un être humain à s'exprimer de manière créative. En fait, il n'y a pas d'événement particulier ayant clairement inspiré les directions que j'ai prises artistiquement. Tout s'est passé et tout se passe de manière organique, c'est-à-dire que j'ai utilisé les moyens disponibles pour ce que j'avais à exprimer en temps et lieu. Ainsi, je ne crois pas à la division entre la vie et le travail, puisque ce que je crée est intimement lié à ma vie. Il m'est d'autant plus difficile d'imaginer cet état de création comme une occupation. 

Quels sont les déclencheurs de votre mélange si singulier de poésie, chanson, drum & bass, techno expérimentale ou industrielle, pour ne citer que ces éléments?

Il n'y a d'autre déclencheur que la vie quotidienne. La perte, l'anxiété, l'amour, la curiosité ou la déception sont ressentis universellement par la plupart des êtres humains, je n'y fais pas exception. Par ailleurs, je crois être ensevelie par des influences et informations contradictoires, dont beaucoup ne peuvent être nommées... Or, elles apparaissent inconsciemment dans mes pratiques et comportements. J'essaie de ne pas trop filtrer ces choses parfois étranges qui émergent du subconscient. Une fois qu'elles émergent, j'essaie d'en faire un tout cohérent. 

Quelles sont les musiques impliquées dans votre propre mélange?

Je crois que les nomenclatures de styles ont trop souvent pour objet d'extraire des styles spécifiques à des fins de catégorisation, et réduisent du coup la musique telle qu'elle est. C'est pourquoi, je crois, je préfère laisser à chaque auditeur le loisir d'identifier les influences ou les genres qui lui conviennent. Dans la majorité des cas, cette identification est juste, remarquez... 

Est-il pertinent de parler de vos propres références musicales? Styles préférés? Artistes modèles?

La musique que j'écoute est très différente de celle que je crée. Pour le strict plaisir, je m'intéresse exclusivement aux musiques qui éveillent en moi le romantisme ou la nostalgie. J'aime le jazz, le flamenco, la bossa-nova, le fado... 

Puisque vos origines sont iraniennes, la culture perse rejaillit-elle dans votre art?

Bien sûr, cette culture se trouve quelque part dans mon travail. Que je le veuille ou non, ça restera toujours une composante inextricable de ma création. Je ne suis pas que perse, mais cela est certainement un aspect de mon expression. 

Quelle est la place de l'improvisation dans votre travail?

L'improvisation est fondamentale. C'est toujours le point de départ de la création, cela fait partie du processus de conceptualisation et de l'exécution de toute oeuvre. Bien sûr, on peut trouver dans une oeuvre des éléments préconçus, mais ces matériaux sont aussi assemblés par le truchement de l'improvisation.

Vos performances devant public diffèrent-elles de vos créations studio?

Parfois, ce qui ressort d'une performance sur scène ne peut être ensuite transposé ou adapté en studio... ou même être enregistré sur place, car il arrive que l'enregistrement ne puisse en traduire la teneur. La scène et l'enregistrement sont certes différents, mais partagent les mêmes aspirations émotives ou esthétiques.

À voir les autres jours

Demain, Sagacité au Cirque Éloize

Depuis près de trois ans, le collectif Moonshine propose des événements lunaires mensuels dans différents lieux montréalais. On y favorise un mélange de musiques électroniques fleurissant au champ gauche ainsi que des sonorités africaines. Ainsi, se produiront vendredi au Cirque Éloize M. Bootyspoon (Montréal), Bambii (Canada), Tygapaw (Brooklyn), Total Freedom (États-Unis), DJ Marfox (Portugal), Odile Myrtil (Amsterdam), le très connu Pierre Kwenders (Congo RDC-Montréal) et son pote Bonbon Kojak, aussi d'origine congolaise et installé à Montréal après avoir vécu à Johannesburg, Kiev puis Montréal, où il est devenu DJ et producteur.

Samedi, Equinox à l'Usine C

La RBMA avait obtenu un franc succès avec l'événement Equinox tenu l'an dernier, c'est pourquoi elle s'associe avec l'équipe Never Apart pour y tenir une autre soirée/nuit Equinox de 13 heures, rien de moins. Deux scènes différentes seront ainsi aménagées à l'Usine C pour mener les nuitards à l'extase. S'y produiront Jayda G (Vancouver), pointure du disco actuel, la Danoise Courtersy, ex-étudiante de l'Academy et fondatrice du label Ectotherm, la performeuse australienne Carla dal Forno, Derek Plaslaiko (Detroit), Carlos Souffront (San Francisco), sans compter le tandem féminin Umfang & Volvox (Brooklyn).

Dimanche, Rhye au National

La RBMA Weekender Montréal 2017 bouclera la boucle avec le retour du tandem Rhye, formé du contre-ténor torontois Mike Milosh et de l'auteur-compositeur et réalisateur danois Robin Hanniba, peu avant la sortie d'un nouvel album. On se souvient de l'album Woman paru au printemps 2013 et d'un concert donné durant cette même période, traversé par la soul et la pop. On imaginait alors la suite de Sade Adu et Everything But the Girl... Depuis? Pas grand-chose jusqu'à ce dimanche sauf les singles Please et Summer Days, annonciateurs d'un nouveau cycle de création. La chanteuse torontoise Charlotte Day Wilson, ancienne participante de la RBMA Bass Camp, assurera la première partie.

Image fournie par l'artiste

Le DJ et producteur Bonbon Kojak