Lancé sous étiquette LuckyMe et joué demain à Montréal, Feel Infinite est le premier album de Jacques Greene, DJ et réalisateur local... de réputation internationale. Hormis son désir d'y évoquer sa ville d'origine, l'objectif de cet opus est vaste : faire ressentir « le bon, le mauvais et le merveilleux »... ce qui n'a rien d'un film de Sergio Leone.

Le musicien s'est illustré sur moult labels indépendants (Uno, 3024, Night Slugs et LuckyMe), il y compte des succès importants (Another Girl, On Your Side avec How To Dress Well, You Can't Deny, etc.), sans compter les remix (Drake, Radiohead, Sampha etc.). Érigée sur des bases house et techno, sa musique s'inspire aussi de la pop, du R&B et du hip-hop.

Depuis 2010, Jacques Greene a conçu et réalisé une bonne douzaine d'enregistrements, singles et EP, avant de faire monter les oeufs en neige avec un premier album.

« Pour moi, cette expérience a été lumineuse et m'a donné envie de poursuivre sur la forme longue de l'album. Ce fut difficile, mais ça a valu la peine. Cette fois, ce fut un film, soit une véritable histoire que j'ai adoré raconter. »

Le musicien a passé deux étés entiers à en imaginer les pièces, soit plus de deux douzaines : « J'ai travaillé surtout seul, mais parfois avec des collaborateurs - un guitariste et bassiste venu en studio, des chanteurs que j'avais autrefois enregistrés et dont j'ai conservé des fragments de voix, ou encore des reprises de chansons interprétées par des amateurs sur YouTube et dont j'aime les imperfections avant de les traiter à ma façon. »

Après avoir conçu ses maquettes chez lui au moyen de ses machines, synthétiseurs modulaires (analogiques), pédales d'effets, sans compter une banque de sons bien garnie, il a terminé le travail dans un studio de Brooklyn pour ensuite s'appliquer à émonder chacune des pièces.

« À raison d'une fois par semaine, j'ai sélectionné les meilleures chansons en fonction d'une solide tension dramatique. Ce fut un processus très long, qui m'a mené au printemps 2016. J'ai fait aussi le mixage moi-même, j'ai dû apprendre à maîtriser la table analogique de 32 pistes. »

Stylistiquement, Jacques Greene se dit encore dans la mouvance house techno, bien qu'il essaie d'en dessiner de nouveaux prolongements. « C'est mon monde, c'est mon contexte depuis les débuts de ma vie adulte, j'ai encore les deux pieds dedans. Maintenant que j'ai fait ce premier album, je pourrais m'en éloigner. J'ai dit ce que j'avais à dire. »

Il en dit déjà un peu plus à travers ce Feel Infinite, force est de le constater : « La plupart des morceaux sortent des structures et des mix courants de la house ou de la techno en vogue par les temps qui courent ; dans cet album, il y a beaucoup de mélodies, c'est varié, rien de monochrome là-dedans. Maintenant, j'ai aussi les pieds dans une écriture plus complète. Je sais d'où je viens, je commence à voir où je veux aller. Plus précisément, je souhaite sortir des tempos (bpm) qui me semblent redondants, imaginer autre chose que ce kick drum posé sur un 4/4 typique de l'électro, explorer des polyrythmes... me surprendre, quoi. »

Toujours Montréalais

Âgé de 27 ans, Jacques Greene est né d'une mère francophone et d'un père anglophone, il a grandi à Montréal. Ses débuts professionnels remontent à la fin de la précédente décennie. Il s'est installé à New York pour une paire d'années alors qu'il avait 23 ans.

« Je m'y suis super amusé et épanoui au contact d'artistes de très bon niveau. Mais... je devais tourner énormément pour payer le loyer si cher de cet appartement où je vivais si peu. Je suis donc revenu chez moi. Il y a environ un an, je me suis installé à Toronto avec ma copine, qui vient d'y rentrer après avoir mené des études au Québec. Honnêtement, je préfère Montréal, mais j'aime bien ma vie à Toronto et je reste proche de New York. »

Montréal demeure l'essence de son identité : Feel Infinite se veut « une lettre d'amour à la culture loft et club » de sa ville d'origine.

« J'ai grandi dans le Mile End et le Bas-Outremont, puis j'ai fréquenté tant de lieux mémorables de Montréal pour ainsi me nourrir de cette culture after-party. C'était énergétique, vivant, ouvert, tellement propice à la création ! On ne trouve pas ailleurs une telle activité nocturne, vécue en parallèle des clubs et scènes officielles d'une grande ville. »

Ainsi, Jacques Greene tient vraiment à ne pas oublier la métropole qui l'a construit artistiquement et qui demeure son identité originelle. Où qu'il soit sur la planète électro.

Au Newspeak (1403, rue Sainte-Élisabeth), demain, 22 h

HOUSE TECHNO

Feel Infinite

Jacques Greene

LuckyMe

Image fournie par LuckyMe

Feel Infinite, de Jacques Greene