Paroliers, compositeurs, interprètes, musiciens et autoproducteurs québécois viennent de constituer le Regroupement des artisans de la musique (RAM), nouveau groupe de pression qui compte s'imposer dans l'échiquier industriel de la musique.

Dans un contexte extrêmement difficile pour la musique, l'objectif du RAM consiste à «intégrer les nouveaux enjeux économiques à l'exercice de leur profession et participer activement aux changements majeurs qui surviennent actuellement dans le secteur de la musique».

David Bussières (du groupe Alfa Rococo) est à l'origine de ce regroupement, constitué actuellement d'une cohorte d'artisans connus de la musique locale, dont Florence K, Domlebo et Salomé Leclerc. Le RAM a multiplié les séances de travail depuis l'automne, et compte sur l'appui des trois principales associations de défense des artistes québécois: la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec, l'Union des artistes (UDA) et la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ).

«La voix des artistes est rarement entendue, sauf à l'occasion d'actions spontanées comme la contestation du projet de loi (C-32) visant à actualiser le droit d'auteur, au Parlement, en décembre 2010 », explique David Bussières.

«Le point de vue des artisans de la musique est morcelé à travers les associations qui les représentent... lorsqu'ils en font partie. C'est pourquoi plusieurs d'entre nous avons senti le besoin de nous regrouper.» 

Ce dernier a compris la nécessité de s'engager avec ses pairs lorsque l'aide à la tournée pour les artistes autoproducteurs lui a été retirée, à la fin de 2015, par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Selon lui, il s'agissait d'une mesure inappropriée dans le nouveau contexte de l'industrie de la musique, les rôles intermédiaires entre l'artiste et le consommateur n'y occupant plus la même position dans l'environnement numérique.

«Pour moi, cette coupure signifiait qu'il me fallait obligatoirement choisir un producteur, ce qui m'enlevait environ 20 % de mon revenu et celui de mon équipe. Or, les autoproducteurs sont de plus en plus nombreux dans l'environnement actuel, il leur faut une plateforme pour faire pression.»

L'union fait la force

D'autres événements ont aussi favorisé cette mobilisation, selon David Bussières. «Pendant le tournage du film documentaire La musique à tout prix, les artistes ont réalisé qu'ils ne pouvaient rien changer sans regroupement. Étant membre du conseil d'administration de l'UDA, j'ai dit à sa présidente, Sophie Prégent, qu'un regroupement d'artisans de la musique était nécessaire. Elle m'a mis sur la piste d'une intersyndicale, j'ai alors contacté le président de la Guilde, Luc Fortin, Marie-Josée Dupré, directrice de la SPACQ, qui sont emballés par ce projet.»

David Bussières souhaite en ce sens que les artisans de l'industrie de la musique occupent la place qui leur revient dans le partage des revenus et du financement public, au même titre que les producteurs, imprésarios, éditeurs et distributeurs.

«Nous croyons à une diversité de modèles d'affaires, mais... Si on n'a que la voix des producteurs [par l'ADISQ] ou des éditeurs via les sociétés de perceptions de droits [SOCAN, SODRAC ou SOPROQ] où ils sont très présents, c'est insuffisant pour que les artistes obtiennent ce qui leur revient.»

«Nous nous voulons inclusifs, affirme David Bussières. Nous voulons accueillir les artisans de tous les styles musicaux et toutes les langues d'expression.»

Plan d'action

Le RAM compte agir sur trois axes, dont les revendications devraient se préciser davantage au premier trimestre de 2017: 

- le regroupement souhaite intervenir auprès des gouvernements fédéral et provincial dans le dossier du partage des revenus cumulés par les fournisseurs d'accès et de services internet ainsi que celui du régime de copie privée;

- le RAM envisage de participer activement à la refonte du modèle industriel actuel, soit par l'entremise de la relation entre artiste et producteur, la facilitation de l'autoproduction et le rééquilibrage du financement public «afin que l'artiste et leurs oeuvres soient au coeur du projet»;

- l'organisme s'apprête à mettre sur pied un guichet unique de service et d'information, soit un comité permanent et un kiosque d'information (qui logerait déjà dans un local de l'UDA) visant à éclairer les artisans de la musique sur les dossiers qui les concernent et les aiguiller vers les services qui sont à leur disposition.