Ses dirigeants se disent «ni rétrogrades ni nostalgiques», mais l'ADISQ sonne l'alarme par rapport à la chute «dramatique» des revenus générés par les ventes d'albums et l'écoute de chansons sur les services de streaming.

«Nous voulons conscientiser les gens pour qu'il y ait des discussions sur la place publique qui nous mènent à un rééquilibrage de la nouvelle économie», fait valoir son président, Claude Larivée.

La directrice générale de l'ADISQ, Solange Drouin, et lui espèrent éviter que la situation «dramatique» actuelle ne devienne «catastrophique». Une chanson québécoise vendue sur iTunes génère en moyenne un revenu de 62 cents pour un artiste et son producteur. En comparaison, l'écoute d'une chanson sur un service comme Spotify par abonnement leur procure un revenu de 0,6 cent.

En moyenne, un titre ayant figuré dans le top 500 des pièces les plus vendues au Québec entraîne un revenu de 3200 $. Or, il faut 2,8 millions d'écoutes sur YouTube pour générer un tel revenu ou 533 333 écoutes sur Spotify par abonnement.

«Est-ce qu'un artiste peut vraiment espérer générer autant de streaming? Cela ne se peut pas dans notre marché», lance avec inquiétude Solange Drouin.

«Nous ne sommes pas à notre première révolution en musique. Mais dans le nouvel écosystème, on sent que nous sommes à un point de bascule.»

Depuis 2006, les ventes de musique ont chuté de 12,2 millions d'unités à 8,5 millions en 2015 (même en considérant que 13 chansons vendues équivalent à un album).

«Dans les six premiers mois de 2016, on a assisté à une baisse drastique des ventes numériques, ajoute Solange Drouin. Et c'est au profit des services en ligne» - les Spotify, Apple Music, Google Play et YouTube.

Interpeller le gouvernement

Selon une étude de l'Observatoire de la culture et des communications du Québec, les gens dépensent autant en divertissements qu'auparavant. Or, Solange Drouin souligne que cette somme va davantage «aux produits d'accès culturels» et moins «aux produits culturels».

En clair, les gens consacrent plus d'argent à la technologie (qui leur permet de consommer de la musique) qu'à l'achat de disques.

Claude Larivée gère les Disques La Tribu (Les Cowboys Fringants, Les Trois Accords) et la Compagnie Larivée Cabot Champagne (qui possède des salles dont La Tulipe et L'Étoile). Il considère que l'industrie québécoise de la musique - constituée surtout de labels indépendants comme le sien - a su s'adapter aux changements depuis 15 ans.

«Il y a 10 ans, notre ennemi était le piratage. Là, tout est légal [...], mais nous sommes dans une situation complètement dramatique.»

«Il faut que la structure change», renchérit Solange Drouin.

L'ADISQ - qui a rencontré récemment la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly - veut conscientiser le public, mais surtout interpeller le gouvernement, afin que les fournisseurs internet et les entreprises comme Apple paient des redevances.

«La ministre peut modifier la Loi sur le droit d'auteur et remettre à jour le régime de copie privée [avec des redevances sur les iPod et téléphones intelligents vendus]», ajoute Solange Drouin, qui cite en exemple l'Union européenne, qui a demandé à Netflix de consacrer 20 % de son contenu à des productions européennes.

Un modèle à revoir

Les services d'écoute en ligne font aussi des heureux. Un jeune duo québécois, FJORD, a par exemple atteint quelque 2,5 millions d'écoutes pour une de ses chansons sur Spotify récemment. Claude Larivée rappelle que les défis sont les mêmes pour ces artistes en matière de revenus. «La musique a une valeur.»

Le président de l'ADISQ insiste: il n'en a pas contre les services d'écoute en ligne. «Nous sommes d'accord pour dire que c'est le modèle d'avenir.»

Ce modèle est là pour rester, mais il faut le revoir, dit essentiellement M. Larivée. «Nous ne sommes pas pessimistes, car nous sommes des entrepreneurs et nous travaillons avec des artistes passionnés. Mais la situation est dramatique, pourrait être catastrophique, et on pourrait perdre des joueurs en chemin.»

Un sujet qui sera discuté jeudi prochain lors de l'assemblée générale annuelle de l'ADISQ.

Et les subventions?

L'ADISQ représente les producteurs de musique qui bénéficient de nombreuses subventions.

Son président, Claude Larivée, indique que seulement 16 % des revenus des compagnies de disques québécoises proviennent des fonds publics. «C'est difficile de faire un album de qualité en bas de 50 000 $, explique-t-il. Il y a une prise de risques pour nous.»

C'est connu: Monique Simard, présidente de la SODEC, veut revoir le modèle d'aide financière pour que plus d'argent soit consacré à la mise en marché et moins à la production d'albums.

«Nous sommes d'accord pour mettre des millions de plus en mise en marché, dit Claude Larivée. Mais cela ne change rien si les revenus ne sont pas là au bout.»

Trop diminuer la production d'albums pourrait nuire au rayonnement de la musique québécoise, craint pour sa part Solange Drouin. «Il faut une masse critique de productions de plusieurs genres musicaux.»