Inspiré du créole haïtien, «vox sambou» signifie «voix sans bout», c'est-à-dire sans frontières, sans limites territoriales ou culturelles. D'où le choix du MC et chanteur Robints Paul, devenu Vox Sambou. Montréalais d'adoption, il est de ces artistes haïtiens devenus citoyens du monde au fil de leurs migrations, voyages et rencontres musicales.

Outre sa participation au collectif Nomadic Massive, Vox Sambou a trois opus solos à son actif, dont le plus récent enregistré à São Paulo, The Brasil Session, dont il est ici question.

«Ça existe depuis plusieurs mois, mais ça n'a jamais été lancé avant jeudi dernier à La Tulipe - de concert avec Élété pour son album Taar. The Brasil Session était prêt l'automne dernier, mais on n'a pu le faire connaître jusqu'à maintenant. J'en avais joué toutefois plusieurs morceaux aux Nuits d'Afrique, en juillet 2015.»

Groupe multiculturel

Et c'est exactement pourquoi cette interview a été réalisée. On avait déjà assisté à des prestations de Vox Sambou auparavant, mais son nouveau spectacle avait toutes les qualités d'une production world d'envergure internationale, résolument actuelle et représentative d'une mouvance bien montréalaise.

Vox Sambou peut compter sur un groupe multiculturel d'ici, avec entre autres la chanteuse Malika Tirolien, le bassiste Diégal Léger, le batteur Jean-Daniel Thibault-Desbiens, le claviériste David Ryshpan, le guitariste Christopher Cargnello, sans compter une excellente section d'anches et cuivres.

«Mes musiciens ont une solide formation de jazz, j'essaie de développer mon mélange avec eux. Dans ce mélange, il y a d'abord le konpa haïtien, mais aussi les rythmes inspirés du vaudou. Quand j'ai grandi en Haïti, il y avait aussi une profusion de roots reggae - Gregory Isaac, Bob Marley, etc. -  et ça m'a beaucoup influencé. Plus tard, j'ai connu le hip-hop, qui est une des bases essentielles du collectif Nomadic Massive dont je suis un des membres fondateurs. Aussi, j'aime beaucoup la soul et le funk afro-américains et l'afrobeat nigérian.»

De manière générale, Vox Sambou dit essayer autant que possible de se réapproprier sa culture africaine tout en soulignant la dimension universelle de la musique, bien au-delà de ses origines.

«La musique est un langage commun qui nous met tous sur un pied d'égalité. La musique de mon nouvel album, c'est un peu tout ça. Idem pour les textes; majoritairement, ils sont en créole, mais aussi en français, en anglais, en portugais.»

Dans le cas qui nous occupe, le portugais est brésilien.

«En 2014, raconte notre interviewé, j'avais été invité au festival Satélite, à Brasília. Nous avions ensuite fait une tournée de 10 jours au Brésil, avec mon groupe et des musiciens de là-bas. Le saxophoniste Cauê Vieira Pinto, avec qui j'avais vraiment fraternisé, m'avait ensuite invité en studio afin de participer à l'enregistrement d'une chanson. Ça s'était très bien passé et, finalement, on m'avait invité à enregistrer avec mon groupe dans un studio de São Paulo.»



Un album brésilien

Sans budget considérable, Vox Sambou avait cherché à recréer le son d'une ambiance de scène, de manière à faire contraste avec ses enregistrements précédents.

«Lakay, mon premier album, était vraiment un effort de beatmaking. Le deuxième, Dyasporafriken, était un mélange de beatmaking et de performance live. Cette fois, je voulais donner une idée de mon spectacle. J'ai eu la chance extraordinaire d'avoir mes musiciens dans un studio brésilien, complétés par des artistes de là-bas comme le chanteur Rael da Rima. On a vraiment aimé ce qu'on a enregistré! Ce nouvel album est aussi très brésilien, car des Brésiliens ont joué, fait les prises de son, mixé, matricé.»

Vox Sambou est né à Limbé, dans le nord d'Haïti. Il est arrivé au Canada à l'âge de 18 ans. Sa famille a fini par s'installer à Winnipeg, où il a terminé un premier cycle universitaire en psychologie et en anthropologie, avant de s'inscrire en droit à l'Université d'Ottawa, programme qu'il n'a pas terminé. Il a déménagé ses pénates une fois de plus, cette fois à Montréal, et...

«En 2003, j'ai accepté un emploi d'intervenant auprès des jeunes. En 2005, je devenais directeur de la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges. C'est un organisme à but non lucratif dont le mandat est de prévenir la délinquance auprès des jeunes de 11 à 18 ans. Ça demeure une priorité, même si je fais de la musique parallèlement à cette profession. Le soir, les week-ends, pendant les vacances et tous mes temps libres. C'est ma vie.»

Vie... sambou!

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The Brasil Session, Vox Sambou, Ndjam

Image fournie par Ndjam

The Brasil Session, de Vox Sambou