Les Français sont désormais 3 millions à s'être abonnés à des sites de streaming pour écouter de la musique et redécouvrent les joies du vinyle, mais cela ne suffit pas encore à compenser côté producteurs la désaffection croissante pour les CD.

Le chiffre d'affaires global de la musique enregistrée en France a connu une nouvelle baisse (-4,7%) en 2015, principalement en raison du recul de 15,9% des ventes physiques (CD, vinyles, DVD), qui représentent encore près des deux-tiers du marché, a indiqué mardi le Snep, principal syndicat des producteurs, en présentant son bilan annuel.

Les ventes de CD, habituellement concentrées sur la période des fêtes de fin de l'année, ont notamment souffert de la baisse globale de la consommation constatée après les attentats du mois de novembre, estime le Snep.

Hors «droits voisins» - ceux que touchent les producteurs notamment pour la diffusion de musique à la radio et à la télévision -, le marché a perdu plus de 65% de sa valeur depuis 2002. Il représente aujourd'hui 426 millions d'euros (543 M EUR avec les droits voisins), contre 1,3 milliard d'euros il y a 13 ans.

Si la crise n'est pas terminée, le streaming (écoute en ligne sans téléchargement) continue de s'imposer comme le nouveau «levier de croissance» du secteur, a estimé le directeur général du Snep, Guillaume Leblanc. Les revenus générés par ce modèle ont connu une hausse spectaculaire de 45% par rapport à 2014.

La France compte désormais «3 millions d'abonnés, soit 1 million de plus en un an», à un service de streaming de type Spotify, Apple Music, Deezer, Napster ou Qobuz, selon les producteurs. Le chiffre d'affaires du streaming a dépassé pour la première fois les 100 millions d'euros, une somme multipliée par cinq en cinq ans.

L'arrivée de nouvelles plateformes comme Apple Music, mais aussi d'artistes jusqu'ici absents sur ces sites, comme les Beatles, AC/DC ou Led Zeppelin, sont «autant de facteurs de développement de cet usage», qui a totalement supplanté le téléchargement, selon le syndicat qui réunit notamment les trois «majors» (Universal, Sony et Warner).

Un «Top albums» modernisé

«La France a peut-être connu un petit retard à l'allumage mais la mécanique est bien lancée. L'équipement est au point, les Français rattrapent le temps perdu», confirme à l'AFP Yann Thébault, directeur général de Spotify France.

L'arrivée d'Apple Music, qui aurait convaincu déjà plus de 10 millions d'abonnés depuis son lancement cet été, a «validé le modèle du streaming et dynamisé le marché», ajoute le dirigeant de ce site suédois, qui revendique «75 millions d'utilisateurs dont 20 millions d'abonnés payants» dans le monde.

En France, 71% des revenus du streaming proviennent des abonnés (pour moitié inscrits à un site, pour l'autre moitié abonnés indirectement via leur forfait téléphonique). Le reste vient des modèles «gratuits» financés par la publicité.

«On voit bien que l'abonnement est le modèle prévalent, qui permet une bonne rémunération des producteurs et des artistes», souligne Stéphane Le Tavernier, directeur général de Sony France et président du Snep.

Dans le marché «physique», le vinyle, même s'il reste marginal, confirme son renouveau: avec 750 000 exemplaires vendus, ce format donné pour mort il y a dix ans est en hausse pour «la quatrième année consécutive».

Il représente aujourd'hui 2,3% du marché physique en volume. Un développement qui s'accompagne d'un essor des équipements hi-fi, et notamment les platines, qui semblent de nouveau attirer un public jeune, souligne Stéphane Le Tavernier.

Face à ce marché «plus divers», une nouvelle formule du «Top albums» prenant en compte l'écoute en streaming et pas seulement les ventes doit prochainement être lancé, a indiqué le Snep, qui a profité de ce bilan pour rendre hommage à Pascal Nègre, remplacé le mois dernier à la tête d'Universal Music France par Olivier Nusse.