Parmi les principaux rénovateurs du style americana, s'abreuvant de blues, folk, country rock, mais aussi de shoegaze ou de rock lo-fi, Kurt Vile est devenu un incontournable.

Ex-membre de l'excellent groupe The War on Drugs, qu'il a fondé notamment avec Adam Granduciel, le trentenaire de Philadelphie compte parmi ses amis le très doué compatriote Steve Gunn et la non moins talentueuse Australienne Courtney Barnett. Bref, il se trouve assurément dans la bonne talle.

À guichets fermés, Kurt Vile se produit ce soir au théâtre Corona avec The Violators, son groupe de tournée constitué de Jesse Trbovich (basse, guitare, saxo), Rob Laakso (guitare, basse, claviers) et Kyle Spence (batterie). 

Deux semaines avant l'escale montréalaise, La Presse l'a joint en Tasmanie alors qu'il était en vacances au terme d'une tournée en Océanie. C'était le soir ici, le matin là-bas et... pas de diable (de Tasmanie) à l'horizon.

« Je n'en ai pas encore vu. Il y a en revanche des légions de wallabys ! On en voit partout, ils viennent à nous dans l'espoir d'être nourris. Pendant un moment, ils sont mignons et puis ils deviennent de moins en moins exotiques... », observe-t-il au bout du fil.

Mais causons de b'lieve i'm goin down..., sixième album studio du songwriter américain, lancé fin septembre 2015 sous étiquette Matador. Pour Kurt Vile, cela revient déjà à parler du passé.

La notion de continuum sied mieux à Kurt Vile qu'une suite de cycles distincts de création, ce qu'il corrobore : 

« Je joue ma musique sur scène, j'écris de nouvelles chansons, j'enregistre et ainsi de suite. Je ne cherche pas à vivre une nouvelle phase. Tout s'enchaîne ; je suis dans le présent. Bien sûr, il y a une évolution d'un album à l'autre, mais ça ne paraît pas trop. Mon dernier, par exemple, est volontairement dépouillé : après avoir ajouté plein de couches sur les prises de son initiales, je suis revenu à l'essentiel. Je voulais quelque chose d'honnête. »

CAPTER L'INSTANT PRÉSENT

Âgé de 36 ans, Kurt Vile a dépassé le stade de l'affirmation du moi créateur. La vie lui a appris en outre que les excellents résultats artistiques ne reposent pas toujours sur la préparation ou le polissage excessifs d'une chanson et d'un album. Les notions d'instinct, d'improvisation, d'inspiration du moment peuvent aussi être déterminantes.

« Des chansons dont je suis fier aujourd'hui ne correspondent à rien de précis au départ et les résultats se sont avérés insoupçonnés. L'instant présent a été capté. Dans cette optique, j'aimerais être en mesure de tout enregistrer et sortir des choses inattendues. »

Dans tous les aspects de son art, donc, Kurt Vile préfère s'inscrire dans une démarche à l'horizontale.

« La mémoire inconsciente me permet de reprendre ce que j'ai accompli ; la partie consciente de mon esprit m'incite à ajouter quotidiennement de nouveaux éléments, sans trop charger l'affaire. Ma guitare a un tone, mon jeu de guitare est un continuum - merci de m'avoir suggéré ce terme [rires] -, ma voix a un timbre, mes nouveaux textes sont de même nature stylistique que les précédents. »

LES VIEUX POTES

Sur le plan stylistique, l'auteur-compositeur-interprète s'inscrit dans une tradition qu'il s'applique à transcender plutôt qu'à bouleverser.

« Je suis un auditeur obsessif de matériel vieux et neuf, qu'il s'agisse de blues, de rock lo-fi ou expérimental, de folk ou de country. J'ai grandi avec des groupes comme Sonic Youth, J Mascis (Dinosaur Jr), Silver Jews, Pavement... J'adore Neil Young ; j'ai découvert des artistes en amont comme J.J. Cale. Actuellement, je suis dans la country des années 50 et 60 : George Jones, Hank Williams, etc. Lorsque toutefois j'ai absorbé un style, une époque ou le travail d'un artiste en particulier, j'essaie de m'en distinguer. »

The War on Drugs, Steve Gunn... les vieux potes sont-ils encore des potes ?

« Adam Granduciel vit à L.A. et je suis à Philly (où je serai bientôt à me les geler !) ; je le vois moins depuis qu'il est là-bas, mais nous restons bons amis. Quant à Steve Gunn, il est à New York et je le fréquente régulièrement, car ce n'est pas loin de chez moi. Beaucoup plus loin, j'ai d'autres amis : les Australiens Courtney Barnett, Jim White ou Mick Turner, bizarres, uniques et merveilleux. De Toronto, j'adore The Sadies, mon groupe préféré au Canada, avec qui je souhaite travailler. J'en passe... »

Malgré la reconnaissance internationale, les salles pleines et les critiques positives à souhait, Kurt Vile exprime humblement sa singularité : 

« Je cherche à débusquer de nouveaux détails dans des formes qui ne sont pas originales a priori. Je ne jouerai pas toujours les progressions d'accords comme il se doit ; je m'efforcerai à faire les choses un peu différemment. J'ai acquis une certaine maîtrise en ce sens, j'ai une façon de faire que d'autres n'ont pas. Je crois que les êtres humains ont tous le potentiel d'être uniques, mais qu'ils ne parviennent pas toujours à identifier leur spécificité. »

Au Théâtre Corona samedi soir, 20 h 30, avec Xylouris White en première partie