En 1999, René Angélil voulait que Céline Dion chante Ne me quitte pas de Jacques Brel dans ses deux spectacles au Stade de France. Or, à ce moment-là, Angélil combattait un cancer et sa femme ne voulait rien entendre de chanter cette chanson lourde de signification dans les circonstances. «J'ai dit: il va guérir, lui, mais il va me tuer», se rappelait Céline Dion en mars 2011.

Finalement, Claude Mégo Lemay a tranché et le public du Stade de France n'a pas entendu la chanson de Brel. L'imprésario et mari a donné raison à son directeur musical qui prenait ce genre de décision en son absence.

René Angélil a toujours été très exigeant avec Céline Dion parce qu'il avait une confiance illimitée en ses moyens et sa volonté de relever des défis. Trop exigeant? «J'ai peur d'être trop heavy et, parfois, je le suis, me disait-il en 2009. Je n'ai jamais pris une décision sans qu'elle ait son mot à dire, même quand elle était petite. Mais il arrive qu'elle soit d'accord avec ma décision et alors, elle embarque à 100 %, puis qu'elle s'aperçoive que c'est difficile.»

Il était convaincu de ne jamais avoir commis d'erreur dans la gestion de la carrière de Céline Dion: «Ça a été le timing parfait pour elle et moi. Quand je l'ai rencontrée, j'avais 39 ans, j'avais appris de mes erreurs de jeunesse et elle cherchait quelqu'un qui avait de l'expérience et qui voulait bien faire. Moi, j'avais besoin de quelqu'un pour pouvoir rester dans le show-business. J'ai fait très attention parce que j'avais le regard de toute la famille Dion sur moi. Si j'avais fait des erreurs, j'en aurais entendu parler.» 

«Nous, on se challenge toujours. Si elle était toute seule, elle se découragerait peut-être, je ne sais pas. On s'est mariés et on a un enfant, elle a confiance en moi, pas juste comme manager. Elle sait que je suis le gars qui l'aime le plus.» - René Angélil lors d'une entrevue à Londres en 2007

Le lendemain, Céline confiait: «Ce que René a décidé pour moi, je ne l'ai jamais remis en question. J'étais trop jeune, je n'avais pas d'expérience. Aujourd'hui, je ne doute pas mais je pose des questions, ça le fatigue peut-être.»

À New York, quelques semaines plus tard, la chanteuse participait à un marathon d'interviews qui avait pris beaucoup de retard. Épuisée, elle a mis son poing sur la table et son mari a dû faire reporter une émission de télé matinale à laquelle elle devait participer le lendemain.

Des gens qui les connaissent bien sont convaincus que c'est elle qui, préoccupée par l'état de santé de son mari, l'a incité à déléguer une bonne partie de ses responsabilités à son ami Aldo Giampaolo en juin 2014 et qui, quelques mois plus tard, a décidé d'annuler sa tournée asiatique et tous ses concerts à Las Vegas jusqu'en mars 2015. En février 2015, elle annonçait son retour au Colosseum à compter du 27 août et révélait du même coup que le cancer d'Angélil avait refait surface une troisième fois.

Le travail à la maison

«Quand je suis à la maison, ce que j'ai le plus de difficulté à vivre, c'est mon gérant parce que, constamment, il me fait me rappeler mon travail. J'ai ben de la difficulté avec ça. C'est quelque chose, hein?», nous confiait Céline Dion en 2011.

Par réflexe, le mari s'éclipsait souvent derrière l'imprésario. Angélil a refusé pendant des années que Céline révèle leur amour au public tellement il craignait une réaction qui nuirait à sa carrière, raconte son biographe Georges-Hébert Germain dans Le meneur de jeu. L'imprésario - ou le mari? - s'est opposé longtemps à ce que Céline porte des robes qu'il jugeait trop osées, sinon vulgaires.

Quand il a lancé cette biographie, en mars 2009, René Angélil a expliqué que ce livre était pour son fils de 8 ans, René-Charles, et ses cinq petits-enfants qui, un jour, voudront savoir comment était leur papa, leur grand-papa. Il venait d'avoir 67 ans et son combat contre le cancer, 10 ans plus tôt, lui avait fait comprendre qu'il n'était pas un surhomme.

«Toute expérience qui te fait penser que tu vas mourir te change, m'avait-il dit en 2008. Dans mon cas, ça m'a appris à déléguer un peu plutôt que de tout faire moi-même. Ma priorité, c'est ma famille.»

«Depuis que René-Charles est né, je suis toujours avec lui. Je me reprends pour tout le temps où je n'ai pas été avec mes trois autres enfants. Je suis chanceux qu'ils m'aiment.»

Puis, il avait ajouté dans un rire étouffé: «J'ai de la difficulté à déléguer. Je suis le meilleur gars pour Céline parce que je la connais, je connais son public.»

Cette conviction l'a parfois poussé à prendre des décisions étonnantes comme la fois où il a jeté à la poubelle la vidéo du spectacle A New Day tournée par David Mallet. «Ça nous a coûté 2 millions, me racontait-il quelques années plus tard. C'était techniquement écoeurant! Mais j'ai dit non parce que Céline avait les cheveux blonds courts et que la plupart des fans n'aimaient pas ça.»

Un grand inquiet

Derrière le joueur de poker au visage imperturbable, René Angélil était un homme très sensible, un homme inquiet qui planifiait tout longtemps à l'avance, nous racontait Céline Dion au lendemain de la première de son deuxième spectacle à Las Vegas en mars 2011.

«C'est dur à son âge, je pense. Il veut tellement qu'on ne manque de rien, ses enfants et moi, il s'inquiète tout le temps. Il a peur de ne pas être là. J'ai l'impression qu'il vit le moment présent et donc s'il reçoit une offre super intéressante, il va me la proposer et il va s'arranger pour la signer tout seul. Moi, je suis moins inquiète, je suis plus jeune. J'ai toujours fait confiance. Je me dis: on verra. Mais lui les "on verra", il a peur de ne pas voir ça. René, c'est notre ange gardien.»