Dans le cadre de sa tournée mondiale, le groupe irlandais U2 a offert pendant deux soirs à Paris un spectacle un peu remanié, en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, concluant hier un concert fort en émotions en invitant le groupe californien Eagles of Death Metal, qui montait sur scène pour la première fois depuis le massacre du Bataclan.

Les deux spectacles de U2 initialement prévus les 14 et 15 novembre avaient été annulés en raison des attentats et reportés aux 6 et 7 décembre. Les membres du groupe étaient allés se recueillir devant le Bataclan.

Le contexte de ce concert était donc très particulier. Le show devait commencer à 19 h 30 mais a été retardé d'environ une heure, compte tenu des multiples mesures de sécurité pour gérer une foule de milliers de personnes. Il fallait traverser deux points de fouille pour entrer à l'AccorHotels Arena, boulevard de Bercy. Les hommes et les femmes étaient séparés, parce que c'étaient des agents masculins qui palpaient les spectateurs, et des agents féminins qui palpaient les spectatrices... Pendant que le public prenait place, on pouvait entendre ce message: «Ce show contient des effets d'explosion audio, ça fait partie du spectacle et donc, c'est sans danger.» Plusieurs drapeaux français dans l'aréna, ainsi que des t-shirts «On n'a pas peur».

L'attente en valait la peine, car c'est un véritable cadeau qu'a offert U2 aux Parisiens, qui en ont bien besoin. Le spectacle était d'ailleurs enregistré spécialement pour la chaîne HBO. Bono et sa bande ont attaqué avec The Miracle (of Joey Ramone), et avec une énergie folle, comme pour établir l'atmosphère et la confiance, sans débuter par un discours. Bono y est arrivé plus tard en confiant qu'il avait l'impression que le monde était à Paris hier - c'est un peu vrai, quand on pense à la conférence mondiale sur le climat. 

«Nous sommes tous parisiens ce soir. Si vous croyez à la liberté, Paris, c'est votre ville.»

En livrant une version adoucie de la célèbre pièce Sunday Bloody Sunday, chanson engagée qui rappelle la mort de manifestants pacifiques face à l'armée britannique en Irlande du Nord en 1972, on ne pouvait s'empêcher de penser que la phrase «I can't believe the news today» est malheureusement quelque chose qu'on se dit trop souvent. Pour Paris, ville de l'amour, Bono a dédié Every Breaking Wave aux amoureux qui ont perdu quelqu'un le 13 novembre.

Un grand silence a envahi l'aréna quand des images de la ville de Kobané, en Syrie, complètement ravagée, sont apparues sur les écrans, sur les notes de piano d'October. Terrible introduction à la pièce Bullet the Blue Sky, dans une version stridente et désespérée. Bono a rappelé le devoir de nos pays d'accueillir les réfugiés en détresse. «Nous choisissons l'amour plutôt que la peur», a-t-il crié, avant de poursuivre avec Where the Streets Have No Name et Pride (In the Name of Love).

Autre moment émouvant, quand les noms des 130 victimes du 13 novembre sont apparus sur les écrans. Bono a chanté les premières phrases de Ne me quitte pas, de Jacques Brel, avant de lancer «Liberté, égalité, fraternité... Beautiful Day!», et la chanson a suivi.

Plus tard, il a voulu apporter son soutien à tous ceux qui ont vécu la violence. «Et même si je sais que c'est difficile, aux familles des terroristes, qui ont perdu leurs enfants à cause d'une idéologie qui est une perversion de cette belle religion qu'est l'islam.» Tout le public a chanté avec lui One Love.

Enfin, pour le rappel, la rumeur qui avait filtré a été confirmée: les Eagles of Death Metal sont montés sur scène. L'un des moments les plus puissants de la soirée. «Leurs vies sont pour toujours liées à Paris», a dit Bono pour les présenter. Jesse Hughes, tout de blanc vêtu, et ses comparses jouaient pour la première fois depuis la tuerie du Bataclan, le lieu le plus meurtrier des attentats du 13 novembre. Ils brisaient la glace après le traumatisme et avaient le grand public de U2 pour les soutenir. Ils ont chanté People Have the Power, de Patti Smith (qui était avec U2 la veille), accompagnés de la bande à Bono et d'une foule survoltée. U2 a cédé toute la place à Eagles of Death Metal pour I Love You All the Time. Jesse Hughes, visiblement très ému, a remercié U2 pour cette occasion et répété plusieurs fois aux spectateurs: «Je vous aime tellement.» Une soirée de rock et d'amour que personne ne va oublier.

Photo Reuters

Le magazine américain Billboard avait annoncé dès vendredi le déplacement des «EODM» à Paris. Mais les organisateurs ont gardé le silence jusqu'au bout, entretenant le doute sur leur présence au concert.