Quelque 200 délégués internationaux se retrouvent dans la métropole pour M pour Montréal. Qu'ils soient journaliste pour NME, cadre chez Sony ou représentant de Polydor, ils verront les spectacles-vitrines d'une impressionnante sélection locale d'artistes anglophones et francophones, dont Louis-Jean Cormier, Elliot Maginot et Fuzz.

Plus de 100 groupes et artistes se produiront à M pour Montréal pendant quatre jours. Certains sont connus (Safia Nolin, Pierre Kwenders, Dead Obies), d'autres ont une longue expérience underground ou au sein de différents projets (Foxtrott, Laurence Nerbonne de feu Hôtel Morphée), alors que d'autres feront parler d'eux avant même d'avoir lancé leur premier album.

Jesse Mac Cormack, par exemple, attire beaucoup l'attention cet automne. Il a réalisé les albums de Rosie Valland et d'Emily & Ogden. Son spectacle solo a eu des échos positifs au FME en septembre dernier, avant que Secret City Records - l'étiquette de Patrick Watson - annonce l'avoir recruté. Mac Cormack assurera sous peu des premières parties en Europe pour Lou Doillon et sortira son premier album complet à l'hiver.

Pour le 10e anniversaire de l'événement-festival ouvert au public, Grimes revient à M pour Montréal pour y donner un spectacle à guichets fermés au Métropolis, samedi soir.

Si Grimes a lancé récemment son nouvel album, Art Angels, avec Rocnation, l'empire de Jay-Z, la jeune femme (qui vivait à Montréal à ses débuts) doit beaucoup à M pour Montréal, qui lui a donné une belle vitrine, notamment à South by Southwest en 2012.

Un filtre nécessaire

Sébastien Nasra, d'Avalanche Productions, a fondé M pour Montréal en 2006 avec l'aide du programmateur anglais (très établi dans le milieu) Martin Elbourne, associé aux festivals Glastonbury et The Great Escape, et cofondateur du WOMAD Festival avec Peter Gabriel.

Selon lui, le circuit des festivals-vitrines (Great Escape, MaMA, CMJ, SXSW, Canadian Music Week) est devenu un passage obligé pour les artistes émergents qui veulent s'exporter. «C'est littéralement devenu un circuit, un intermédiaire entre les artistes émergents qui sont en développement de nouveaux marchés et les ligues majeures des festivals internationaux et l'industrie en général», explique-t-il.

«L'offre artistique a tellement explosé au cours de la dernière décennie que ces événements-vitrines sont devenus un filtre nécessaire pour l'industrie.»

Par rapport à d'autres rencontres de réseautage, M pour Montréal a su créer une formule conviviale (avec sa fameuse visite guidée de Montréal) et établir une bonne réputation par le côté «sélectif» de sa programmation. «M pour Montréal est probablement le plus petit de ces grands événements. On fait figure de précurseur et d'éclaireur à bien des égards», indique Sébastien Nasra.

Le succès est une science inexacte, mais M pour Montréal réunira des délégués qui ont un certain flair par rapport aux artistes susceptibles de percer.

«De prime abord, il y a le wow factor quant au spectacle. La singularité de la proposition artistique est la base [pour évaluer le potentiel d'un artiste], indique Sébastien Nasra. À cela s'ajoute l'accompagnement professionnel: il faut un travail de représentation et de suivi. Puis il y a le timing et d'autres critères comme la disponibilité d'un enregistrement convaincant.»

«Présenter le bon groupe au bon moment et aux bonnes personnes»: c'est la mission de M pour Montréal. Mais il y a eu des cas d'exception et des contes de fées: Doldrums, SEOUL, Braids, Mac De Marco, SUUNS ainsi que Half Moon Run, qui a eu l'appui de Zane Lowe, l'influent animateur de la BBC. «M pour Mystère», résume Sébastien Nasra.

Le cas d'Indica

Franz Schuller et Kyria Kilakos, les têtes dirigeantes de l'étiquette montréalaise Indica, ont plusieurs artistes en vitrine à M pour Montréal, dont Elliot Maginot et Foreign Diplomats. Indica est l'une des étiquettes montréalaises les plus actives à l'étranger, notamment avec Half Moon Run, The Franklin Electric et Misteur Valaire.

«Honnêtement, c'est à cause de Grimskunk à la base. Nous étions dans le punk, donc déjà DIY et entrepreneurs», indique Franz Schuller, membre du groupe et président d'Indica.

«Et nous sommes bilingues», poursuit Schuller, qui souligne l'importance de bien maîtriser l'anglais pour que ça clique entre deux personnes lors des événements de réseautage.

Au fil des années, Indica a su tisser un grand réseau à l'international (et même une filière en Australie) grâce à de nombreux contacts précieux qui sont devenus des amis. Dans le milieu rock, mais aussi dans le circuit des musiques du monde, notamment grâce à Dobacaracol.

Indica représente également au Québec des groupes «coups de coeur» comme Cat Power et Phantogram. Un marché «se travaille», souligne la directrice d'Indica, Kyria Kilakos. «Il faut quelqu'un sur le terrain qui connaît le marché.»

_________________________________________

Cinq formations à découvrir

Mikey Bernard Rishwain est le chasseur de têtes de M pour Montréal. Au fil des années, il a vu venir avant tout le monde le talent et le succès de Karim Ouellet, Grimes, Mac DeMarco et Half Moon Run. Né en Californie, ce fils d'un père québécois a ciblé pour La Presse cinq artistes à voir à M pour Montréal cette année.

---

Dilly Dally, quatuor de Toronto

Mélangeant sensibilité pop et noise, le groupe Dilly Dally propose une version bien à lui de ses influences, dont The Pixies et Nirvana.

«La meilleure chose que j'ai entendue depuis le 31 décembre 1999. Une odeur de Teen Spirit, les amis.» - Mikey B Rishwain

Au Piccolo Rialto ce soir à 23h15

---

Jazz Cartier, rappeur de Toronto

Il n'a pas encore d'album officiel, mais Jazz Cartier fait des vagues sur les réseaux sociaux grâce à un bouche-à-oreille fort enthousiaste.

«Jazz est plus fresh que Drake et originaire de Toronto lui aussi. Comme Drake, il a de gros beats et du swag, mais il est plus dirty. Voilà ce que nous voulons. Il donnera ses premiers shows à Montréal [dans le cadre de M].» - Mikey B Rishwain

Au Café Cléopâtre demain à 22h; au Métropolis vendredi à 20h15

---

KROY, auteure-compositrice-interprète de Montréal

KROY est le projet solo de la musicienne Camille Poliquin. Elle a lancé son premier EP en juin 2014 et s'être produite sur scène à Montréal et à Paris.

«L'année dernière à M, les gens ont eu le coup de foudre pour Milk & Bone. Camille Poliquin est la moitié du duo. Son projet KROY existait avant son projet avec Laurence Lafond-Beaulne. KROY a un goût à la fois très sweet et dark.» - Mikey B Rishwain

Au Quartier général des RIDM (3450, rue Saint-Urbain) vendredi à 23h

---

Charlotte Cardin, auteure-compositrice-interprète

Mannequin, ex-participante à La voix, Charlotte Cardin est de plus en plus associée à la chanson indie. Elle a assuré les premières parties de Mika à la Place des Arts l'été dernier et elle sortira un EP sous peu.

«Elle a bien plus qu'un joli visage pour la caméra et la télévision. Allez écouter sa chanson Big Boy et votre coeur va fondre.» - Mikey B Rishwain

Au Centre Phi vendredi à 17h35; au Quartier général des RIDM (3450, rue Saint-Urbain) vendredi à minuit.

---

Elliot Maginot, auteur-compositeur de Montréal

Elliot Maginot a lancé son premier album au début de l'année. Il tourne en Europe cet automne en première partie de Coeur de pirate.

«Je l'ai invité à se produire à notre traditionnel party de poutine à New York, au festival CMJ en octobre. Tout le monde a arrêté de manger pour googler son nom. C'est votre tour. Elliot Maginot travaille avec Indica Records, la famille qui est derrière le succès de Half Moon Run. Du gros calibre.» - Mikey B Rishwain

Au Théâtre Rialto ce soir à 20h30