La passion pour la musique prend des formes diverses. Il y a, à la base, la passion de ceux qui en jouent et celle de ceux qui l'écoutent: les fans de musique, appelés «mélomanes» quand il est question de musiques dites exigeantes. Passion dédoublée, par ailleurs, quand on parle du guitariste amateur qui, seul dans sa chambre, enchaîne pour la première fois ce grand barré si difficile pour les doigts.

Passion, ici, des luthiers et autres facteurs d'instruments; passion, là, des accordeurs, sonorisateurs et de tous les techniciens grâce à qui la musique se rend à nos oreilles.

Et, dans cette immense et grouillante périphérie, on arrive finalement à la passion de ceux qui font arriver les choses, ces entrepreneurs qui risquent leur argent, parfois celui des autres, dans la production de spectacles et de concerts.

Joel Giberovitch fait partie de cette catégorie, mais le patron du club de jazz Upstairs conjugue sa passion de la musique à une autre: la passion de la restauration, voire de la réception. Depuis 20 ans. Toujours dans le même demi-sous-sol de la rue Mackay, juste au sud de Sainte-Catherine, où il accueille lui-même les clients: étudiants de McGill et de Concordia venus assister aux jam sessions de leurs collègues des facultés de musique, touristes qui, guide à la main, entrent manger une bouchée, jazzophiles locaux ou étrangers de retour à la bonne adresse.

À 19 h et à 22 h, le patron prend le micro et, avant de présenter les musiciens, demande à l'assistance de garder le silence pendant le concert. Comme le rappellent des écriteaux placés sur toutes les tables. Joel Giberovitch parle de respect.

«Quand, avec mon père, j'ai repris ce commerce qui s'appelait déjà "Upstairs", je suis allé à New York pour voir comment ça se passait dans des clubs de jazz comme le Village Vanguard ou Bradley's, où il n'y avait pas de drums... Je suis revenu avec un plan très clair: j'allais exploiter un club de jazz où on respecterait la musique et les musiciens.»

Un Steinway B pour célébrer en... très grand

Joel Giberovitch est à New York, en ce lundi matin. Pas pour voir comment ça se passe au Village Vanguard, qui se consacre au jazz depuis 1957, ou au Bradley's, fermé en 1996. Non. Le patron du Upstairs et son «piano tech» sont descendus pour inspecter un Steinway Modèle B qui, à l'occasion du 20e anniversaire du club, remplacerait le Steinway C3 acheté en 2005 pour ses 10 ans. «Ça nous avait donné beaucoup de crédibilité auprès des pianistes. Un piano, c'est une signature...»

Le problème restera de faire entrer le monstre de 6 pi 11 po de long sur la petite scène du Upstairs sans faire courir des risques indus au pianiste qui, déjà avec le C3 de 6 pi 1 po, a très peu d'espace «scénique» derrière son banc. Et qui pourrait, dans un final emporté, tomber à la renverse dans les pappardelle Verona de la dame de la table 2. Beau problème de sécurité musicale...

Toutes sortes de monde fréquente l'Upstairs «Jazz - Bar & Grillades» qui a pris ce nom quand, en 1997, Giberovitch a retrouvé le chef chilien Juan Barros qui avait travaillé pour son père.

«À une table, on peut avoir quatre étudiants qui vont dépenser 15 $ chacun et, à côté, un avocat ou un médecin qui boit du vin à 150 $. Pour nous, c'est pareil, car nous savons qu'ils sont ici pour écouter de la musique. L'important, ce n'est pas l'argent qu'ils dépensent, c'est l'attitude face à la musique...»

Une musique livrée tant par des musiciens locaux que par des jazzmen de Toronto ou de New York. Qu'il faut payer en dollars américains, ceux-là. «La grande difficulté, présentement, c'est le taux de change, qui nous coûte 32 % de plus», dira Joel Giberovitch qui, comme directeur artistique - il est aussi soundman -, embauche lui-même les musiciens.

Pour la série spéciale 20e anniversaire (du 12 au 22 novembre), il a voulu mélanger des habitués - la darling Émilie Claire Barlow, Ranee Lee, le saxo américain Houston Person avec le Julie Lamontagne Trio - et des musiciens qui n'ont jamais joué au Upstairs: le guitariste John Abercrombie, entre autres, qui s'y produira avec son Organ Trio. Présenter aussi des instruments peu utilisés dans le jazz - comme la harpe (très jazz) du Chilien Edmar Castaneda - ou rarement vus sur la scène du Upstairs: le vibraphone de Steve Nelson, qui sera du quatuor du clarinettiste Oran Etkin.

Et, peut-être pour étrenner un nouveau Steinway, on entendra des vétérans qui ont joué en virtuoses sur bien des mauvais pianos: le Montréalais d'adoption Jean-Michel Pilc et, pour la première fois au Upstairs en tête d'affiche, c'est à peine croyable, Oliver Jones, citoyen d'honneur de Montréal qui n'a jamais fait de chichis sur la qualité des instruments.

Pour Joel Giberovitch, le jazz ne s'est jamais si bien porté à Montréal. «Il y a 10 ans, il y avait nous, Biddle's et le Festival de jazz. André Ménard nous a inclus dans la programmation officielle en 2008 quand on a présenté les jam sessions avec Jeff Johnston au piano: un coup d'énergie incroyable! Russell Malone avait joué chez nous pour la première fois...

«Depuis, l'OFF Jazz a grossi et Jazz en rafale est né. Biddle's est devenu House of Jazz qui a maintenant un club à Laval, le Dièse Onze a ouvert sur la rue Saint-Denis et là, il y a le Café Résonance, sur l'avenue du Parc, qui fonctionne très bien. Et les jeunes musiciens sortent à pleines portes des écoles de jazz: c'est un beau problème.

«Moi, tous les soirs, je travaille à permettre aux musiciens, qui qu'ils soient, de jouer dans un endroit class. Aux gens qui arrivent à la porte et qui ne sont pas sûrs, je dis: "Si vous pensez que vous n'aimez pas le jazz, entrez..." Et quand je les vois repartir avec le sourire, je suis heureux.»

Contrairement à la magie, la passion, elle, ne prend jamais congé...

À l'agenda

Triplé au Gesù - Pour souligner le 150e anniversaire du Gesù, le 50e de l'Atelier de théâtre du Collège Sainte-Marie et de la fondation de la Nouvelle Compagnie théâtrale, les anciens de Sainte-Marie présentent ce soir au Gesù des extraits de certaines pièces jouées autour de 1964... 

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