Dans le monde francophone, le maestro Stromae n'a qu'à lever le petit doigt pour envoûter ses millions de fans.

« Deux millions de billets, trois millions d'albums, des succès à un milliard » sont autant de chiffres qui défilent en introduction de Stromae Takes America, vidéoclips rigolos signés Jérôme Guiot, qui jouent sur le contraste entre la célébrité européenne de Paul Van Haver (son vrai nom) et son anonymat au pays de Michael Jackson.

Le 1er octobre, Stromae sera le premier artiste d'expression française à se produire au Madison Square Garden, dans sa configuration complète. New York lui déroulera-t-il le tapis rouge ?

« Est-ce qu'il reste de bons billets pour Stromae ? », demande-t-on au guichetier du Madison Square Garden, à New York, non sans accentuer notre prononciation à l'américaine de « maestro » en verlan.

Trop tard pour les places à 74 $, dans les sections adjacentes à la scène. Il reste celles à 44 $, dans les gradins supérieurs, mais le choix est limité. Tout indique que le Madison Square Garden va vibrer fort sur Alors on danse, jeudi soir.

Deux semaines après Madonna - qui, dans la vidéo Stromae Takes America, confie à la caméra son intérêt à travailler avec Stromae -, le prestigieux aréna new-yorkais accueillera l'auteur de Formidable et de Papaoutai.

Mais depuis le début de la semaine, l'artiste, qui a annulé son concert de Minneapolis après un mystérieux accident qui l'aurait blessé au visage, garde en haleine les détenteurs de billets pour les concerts prévus à Royal Oak, Michigan (hier soir), Toronto (ce soir), Montréal (les 28 et 29 septembre) et New York (le 1er octobre).

Le promoteur evenko a toutefois tenu à préciser, hier matin par communiqué, que Stromae serait bel et bien sur scène au Centre Bell lundi et mardi prochains.

Joint par Skype chez lui à Bruxelles, le réalisateur Jérôme Guiot ne se montrait pas trop affolé par l'accident de Minneapolis.

« Je l'ai appris comme tout le monde, en lisant les journaux », a dit à La Presse cet ami personnel du chanteur pop autodidacte qui, dans ses récents clips faits dans la lignée des Leçons de Stromae, a cherché à accentuer le décalage entre la célébrité de Stromae en Europe et son anonymat à Seattle et à New York, où ont été tournés les vidéoclips.

Formidable et imprévisible

Dans Stromae Takes America, la pop star en noeud papillon et culottes courtes, fraîchement débarquée à New York, joue les « hommes-sandwichs », sortant seul d'un taxi jaune et tentant sa chance comme musicien dans le métro ou piochant sur son petit clavier, en plein Time Square. Jérôme Guiot explique que la drôlerie de la réalité a inspiré l'art.

« À un moment donné, nous nous sommes retrouvés devant le Madison Square Garden. Il y avait une foule qui sortait d'un match de basket. On se disait : "On va jouer là !" et, sur un grand écran, il y avait la photo de Stromae. Mais personne ne le reconnaissait. Cela a inspiré l'écriture de la vidéo. »

La star de 30 ans, qui a triomphé aux FrancoFolies de Montréal l'année dernière, enchaîne depuis 2009 les tubes et les collaborations artistiques prestigieuses. Alors on danse, qui a propulsé sa carrière, a été remixé par Kanye West. En 2013, Papaoutai, premier single issu de son album Racine carrée, s'est hissé au sommet du palmarès iTunes, dans 18 pays. Lorde, quant à elle, lui a fait une place dans la trame sonore de Hunger Games : Mockingjay - Part 1.

Mais Stromae semble rejeter le statut de star et encore plus l'idée qu'il soit un modèle pour la jeunesse. Adepte du coup publicitaire et des performances annoncées à la dernière minute sur les réseaux sociaux, Stromae jongle avec l'imprévisible, pour le meilleur et pour le pire.

Pour des raisons de santé, il a annulé sa prestation au Festival Osheaga, à l'été. Ce faux bond suivait l'annulation d'une grande partie de sa tournée africaine : il aurait subi des effets secondaires à un traitement contre le paludisme.

« Désillusion, avec du beat », titrait en octobre 2013 le New York Times, qui offrait à ses lecteurs un long portrait de ce prince de l'euro pop devenu l'emblème d'une génération qui cherche surtout à oublier les problèmes de l'endettement, du chômage, du divorce et de la crise économique...

Au fait, qui ira applaudir Stromae au Madison Square Garden, jeudi soir ? Les mélomanes américains curieux ou les nombreux expatriés francophones établis dans la Grosse Pomme ?

Selon Jérôme Guiot, qui rappelle que Stromae a fait une première tournée américaine en 2014, ça pourrait être un peu des deux.

« Au début de la première tournée, le public se composait surtout d'expatriés européens, précise-t-il. Mais dans la deuxième phase, sur la côte Ouest, il y a eu un intérêt grandissant de la part des Américains. Nous avons bon espoir que les gens vont s'intéresser au personnage. Quelqu'un m'a demandé s'il voulait fuir l'Europe. Pas du tout ! L'état d'esprit de Stromae, c'est surtout de partager avec plus de gens. Il faut quand même se rappeler qu'il a commencé à Bruxelles : ce n'est pas le chemin habituel pour se rendre à Time Square ! »

Au Centre Bell les 28 et 29 septembre, 19 h 30