Récemment, Melissa Etheridge a découvert, grâce à l'émission de télé américaine Who Do You Think You Are?, qu'elle avait des racines québécoises. Ses ancêtres du côté maternel faisaient la traite des fourrures et étaient eux-mêmes les descendants de Français arrivés en Nouvelle-France au XVIIe siècle.

«Tout se tient, dit au téléphone la chanteuse de 54 ans en pouffant de rire. J'ai toujours eu un tel rapport avec les Canadiens français. Mon premier succès, le premier aréna où j'ai joué, c'était au Québec. Et les Canadiens français sont reconnus pour le plaisir qu'ils tirent de la musique, donc oui, bien sûr, je suis canadienne-française!»

Melissa Etheridge n'a jamais eu de problème d'identité. Son plus récent album, This Is M.E., au coeur du concert acoustique solo qu'elle va donner au Théâtre Maisonneuve demain, se situe en quelque sorte dans le prolongement de Yes I Am qui, au milieu des années 90, coïncidait avec l'affirmation de son homosexualité.

«Après mes trois premiers albums, je commençais à mieux me connaître en tant qu'artiste, à trouver ma place et à gagner en confiance, se souvient-elle. This Is M.E. témoigne de la force que je puise dans la musique. C'est un mélange un peu fou de chansons de toutes sortes, mais qui ont toutes le même fond rock and roll et qui viennent toutes de moi.»

Des changements importants

Dans sa carrière comme dans sa vie personnelle, Melissa Etheridge n'a jamais été aussi en contrôle qu'aujourd'hui. Elle a changé récemment d'équipe de gérance et This Is M.E. est le premier album à paraître sous son propre label.

«Même si Island Records a toujours été très bonne pour moi, elle m'accordait beaucoup de liberté artistique à l'intérieur d'un certain cadre. On me définissait d'abord comme une artiste rock and roll. Cette fois, je voulais pouvoir causer la surprise en collaborant avec quelqu'un comme Roccstar, qui a travaillé avec Chris Brown, et accoucher d'une chanson comme Ain't That Bad, l'une de mes préférées.»

«Certaines collaborations font un peu champ gauche, mais, comme c'est mon propre label, j'ai décidé de prendre des risques et de foncer.»

Certaines collaborations moins concluantes n'ont pas été retenues, ajoute-t-elle: «Quand ça marchait, c'était centré sur moi. Ce n'était pas l'idée que quelqu'un d'autre se faisait de moi, mais plutôt moi qui m'amusais dans le carré de sable des autres.»

Sur scène, demain soir, elle sera entourée d'une dizaine de ses guitares et d'un piano et elle fabriquera elle-même des rythmes qui joueront en boucle pendant qu'elle chantera.

«Je parle davantage, dit-elle. C'est beaucoup plus intime et pourtant énormément divertissant. À la fin, tout le monde est debout et ça rocke!»

Pas une victime

Quand elle a combattu un cancer en 2004, Melissa Etheridge s'est relevé les manches et a changé son régime de vie. Cette attitude volontariste a toujours été au coeur de sa démarche artistique.

«C'est un thème important dans ma vie: je ne suis pas une victime, répète-t-elle. Je refuse d'être une victime du cancer, je ne suis pas non plus une victime à cause de mon âge ou parce que je suis une femme. Je suis puissante, je suis forte et je mène ma vie comme je l'entends.»

Au lendemain de la décision historique de la Cour suprême des États-Unis de reconnaître aux gais et lesbiennes le droit fondamental de se marier, le 26 juin dernier, elle a livré un témoignage dans le magazine Rolling Stone, affirmant notamment qu'elle était convaincue que ça arriverait un jour.

Elle-même s'est mariée avec son amoureuse Linda Wallem l'an dernier.

«Encore une fois, je refuse d'être une victime de l'injustice ou de l'inégalité envers les LGBT [lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres], dit-elle. Ce changement a pu se produire parce que des gens se sont levés et ont dit: "Je suis un être humain, je suis votre voisin, je suis de votre famille, je travaille au même endroit que vous, je suis un membre actif de la société, mais je ne suis pas une victime et vous n'avez pas à m'accorder des droits particuliers. Je veux juste vivre et aimer comme tout le monde."»

Joindre le geste à la parole

Depuis son cancer, Melissa Etheridge milite également en faveur de la légalisation de la marijuana à des fins thérapeutiques. Elle s'est même lancée dans la production d'un vin à base de cannabis qu'elle espère pouvoir exporter au Canada un jour. Une bouteille de son No Label Private Reserve se vend la bagatelle de 420$ US.

«C'est très coûteux, mais on fait tout nous-mêmes, à la maison, explique-t-elle. Quand on pourra en faire une distribution plus large, le prix va baisser.»

Avec tout cela, elle ne compte pas s'impliquer davantage dans la campagne en prévision de l'élection présidentielle américaine de 2016 qu'elle ne l'a fait en 2012. Celle dont les sympathies logent dans le camp démocrate a une petite idée de ce qui attend Donald Trump, qui occupe présentement tout le terrain dans la course à l'investiture républicaine.

«Les Américains sont fascinés par tout ce qui est étrange, dit-elle. On l'a vu à la télévision, on s'est moqué de lui et voilà qu'il veut devenir président. Il représente un certain nombre de personnes aux États-Unis pour lesquelles le changement est difficile à accepter, qui se sentent vraiment exclues, et il y a beaucoup de changement en ce moment. Mais j'espère que ce n'est qu'une mode passagère et que le Parti républicain va se trouver un candidat qui peut parler des questions importantes de façon moins sensationnaliste. De toute façon, il va probablement imploser.»

Au Théâtre Maisonneuve dimanche, 19h30.