Comment une chanson du groupe champ gauche montréalais Suuns peut-elle se retrouver dans un film grand public comme Ant Man? Grâce à l'entreprise montréalaise Third Side Music (TSM).

Une entreprise qui tire admirablement bien son épingle du jeu, alors que le disque se vend mal.

Third Side Music, qui célèbre son 10e anniversaire, fait du placement de chansons dans des publicités, des séries télé ou sur le web.

C'est à TSM que l'on doit l'utilisation de la chanson du groupe montréalais Groenland dans une publicité d'Apple. Et une autre dévoilée cette semaine avec un titre de Flying Lotus.

En termes techniques, TSM est un éditeur de musique indépendant qui gère l'administration des droits d'auteur et de synchronisation pour une banque d'artistes.

L'entreprise compte sur un catalogue de 40 000 chansons et réunit 16 employés dans ses bureaux de Montréal et Los Angeles. Ses affaires sont en forte croissance. TSM a clos l'année 2014 avec des ventes de 4,3 millions et sa 10e année d'existence devrait se terminer avec des revenus de plus de 6,5 millions.

«Notamment à cause de la faiblesse du dollar canadien», explique Patrick Curley, cofondateur de TSM avec Jeff Waye

Musicien à ses heures, Curley est avocat spécialisé en musique, alors que c'est à Jeff Waye que l'on doit l'ouverture du premier (mais défunt) bureau nord-américain de l'étiquette électronique Ninja Tune, en 1996. À l'époque, il a recruté des artistes montréalais comme Amon Tobin, Kid Koala et Poirier.

En 2005, Waye et Patrick Curley ont décidé de contrer la chute du marché du disque tout en permettant à des artistes de gagner leur vie avec la musique grâce à un nouveau modèle d'édition musicale.

«L'internet a décimé le produit musical physique, mais a ouvert un autre marché», croit Jeff Waye.

Curley et lui sont partis de rien et ont bâti un large réseau d'artistes à représenter et de clients à satisfaire. Third Side Music a fourni des titres de son catalogue à des séries populaires (Mad Men et Entourage), des films oscarisés (12 Years a Slave), des jeux vidéo (Grand Theft Auto V), de grandes entreprises (Netflix, HBO) et de nombreuses publicités, notamment pour le Super Bowl et Amazon.

«Nous faisons entre 50 et 100 licences par mois», précise Patrick Curley.

Un tas de gens et d'entreprises tentent leur chance dans le domaine de l'édition et de la synchronisation. «Ce n'est pas tout le monde qui le fait bien», affirme toutefois Jeff Waye.

«Nous avons été en amont de la première vague, poursuit Patrick Curley. Nous avons développé des liens étroits avec des superviseurs musicaux et nous sommes justes dans nos pitchs

«Nous sommes des geeks de musique», ajoute Jeff Waye.

Third Side Music dit offrir un service client clés en main avec une «transparence de sa comptabilité au profit des artistes dans sa collecte de redevances».

La devise de TSM: «Artist First» (l'artiste d'abord). «Toutes nos licences ont le consentement de nos artistes.» Courtney Barnett, par exemple, est très sélective pour le placement publicitaire.

Avec le catalogue de Ninja Tune, TSM était spécialisé en musique électronique dès ses débuts. Or, contrairement à une compagnie de disques, un éditeur ne doit pas avoir un style, mais de la qualité dans tous les genres selon le besoin de ses clients. Il doit satisfaire autant le superviseur musical d'une campagne de Budweiser que celui d'une série de niche.

Third Side Music peut compter sur une bonne partie du catalogue des étiquettes Warp, Secretly Canadian et Bonsound. La boîte recrute également directement des artistes, dont Courtney Barnett, BadBadNotGood, De Lux, Humans et le groupe montréalais Heat. «Beaucoup de musique circule au bureau», conclut Patrick Curley.