Un siècle après qu'un tout jeune Louis Armstrong eut joué pour la première fois de façon professionnelle, le musée d'État de la Louisiane - situé dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans - présente une exposition relatant les relations difficiles entre la première vedette de jazz et sa ville natale.

L'exposition comprend des photographies de notes rédigées par Armstrong relatant ses mésaventures avec un animateur de radio qui avait refusé de le présenter, lors de son premier retour à La Nouvelle-Orléans.

Le trompettiste écrit que lorsque son imprésario lui a appris le refus de l'animateur, il a demandé à son orchestre de lui «donner un gros accord», ce qui a soulevé les spectateurs du bout de leur siège. Et quand il a quitté la scène pour venir dans la salle, il a eu droit à une ovation de 10 minutes.

La réaction de la foule a naturellement sidéré l'animateur qui fut, selon Armstrong, congédié «dès la fin du concert».

Intitulée Satchmo: His Live in New Orleans, l'exposition - qui occupe deux salles de l'ancien hôtel des Monnaies - présente aussi des documents, des photographies et des enregistrements prêtés par la Maison Louis-Armstrong de New York. Inaugurée le 30 juillet, elle se poursuivra jusqu'au 15 août 2016.

Plusieurs de quelques 80 photographies, lettres, enregistrements privés et autres objets n'avaient pas encore été offerts à la vue du public, indique une porte-parole du musée new-yorkais, Jennifer M. Walden. La Maison Louis-Armstrong occupe un espace très limité, en conséquence, plusieurs des objets sont conservés dans les archives de la Cité universitaire de New York, a-t-elle ajouté.

Parmi ces objets figure une lettre rédigée par le musicien en 1952. Armstrong y décrit l'expérience exaltante qu'il a vécue lorsqu'il a été couronné roi des Zoulous pendant le Mardi Gras de 1949. Plusieurs Afro-Américains l'avaient alors critiqué pour avoir porté le costume traditionnel et le maquillage rappelant l'époque des «Minstrel Shows», ces spectacles à connotation raciste montrant les Noirs comme de joyeux sots.

L'exposition rappelle aussi qu'Armstrong a refusé de mettre les pieds en Louisiane pendant environ une décennie parce que les lois de l'État lui interdisaient d'employer un orchestre multiracial (deux des musiciens du groupe étaient blancs).

Les visiteurs pourront aussi voir deux joyaux de la seconde salle de l'exposition: le cornet à piston utilisé par Armstrong au Colored Waifs» Home, un orphelinat où il avait été envoyé par les autorités après qu'il eut tiré des coups de feu pour célébrer le Nouvel An en 1912 et sa toute dernière trompette dorée.

Dans son autobiographie intitulée Ma vie à La Nouvelle-Orléans, Satchmo raconte sa turbulente jeunesse. Enfant, il chantait au sein d'un groupe vocal lorsqu'il a été arrêté pour avoir tiré à blanc et envoyé au Colored Waifs Home où - comme il le raconta pendant plusieurs années -  il apprit à jouer du cornet à pistons.

Vraiment ?

Louis Amstrong modifia sa version, deux ans avant son décès en 1970, rappelle un archiviste de la Maison Louis-Armstrong et un des conservateurs de l'exposition, Ricky Riccardi.

En 1969, il écrivit qu'il travaillait plutôt pour la famille Karnofsky. Celle-ci possédait une boutique de brocanteries. La future vedette y accomplit diverses tâches dont l'une consistait à attirer des clients en soufflant dans un petit instrument-jouet. Quand il vit un cornet à pistons coûtant 5 $ dans la boutique d'un prêteur sur gages, les Karnofsky l'aidèrent à l'acheter.

«Les gens croient qu'on m'a donné ma première trompette au Colored Waifs mais ce n'est pas le cas», peut-on lire, écrit à la main par le trompettiste, sur un des documents exposés. Le passage figure dans un livre intitulé Louis Armstrong In His Own Words, publié en 1999, dit M. Riccardi.

Selon l'historien, Armstrong savait jouer un peu du cornet à pistons lorsqu'il est arrivé à l'orphelinat. Il a dû améliorer grandement son jeu grâce aux leçons qu'il prenait régulièrement. À l'âge de 14 ans, il est retourné vivre chez sa mère qui résidait dans un quartier dur surnommé «the Battlefield (le Champ de bataille)».

Si on se fie à l'autobiographie, un ami aurait appris à Amstrong qu'un propriétaire d'un honky-tonk était à la recherche d'un bon cornettiste. «Tout ce que tu as à faire est d'enfiler tes pantalons et de jouer le blues pour les prostitués qui racolent pendant toute la nuit».

On connaît la suite.