Avec le guitariste B.B. King et le rénovateur de l'étiquette Blue Note, Bruce Lundvall, le Festival international de jazz de Montréal (FIJM) vient de perdre, à cinq jours d'intervalle, les deux dernières personnalités qui avaient donné leur nom à un prix remis lors de l'événement.

Institué l'an dernier à l'occasion du 35e anniversaire du festival, le prix B.B.-King a été remis pour la première fois au «King of the Blues» lui-même, quelques minutes avant une prestation malheureuse qui aura été sa dernière à Montréal.

Cette année, le prix ira à un autre bluesman du Mississippi, l'harmoniciste James Cotton, qui se produira le 27 juin avec Taj Mahal et le Britannique John Mayall qui souffle encore dans son harmonica à 81 ans. Moyenne d'âge des artistes de cette grande rencontre à la salle à Wilfrid-Pelletier: 77 ans.

Avant B.B. King, conspué l'an passé dans la même salle, d'autres «légendes vivantes», sourdes aux recommandations ou mal conseillées, avaient étiré la sauce et fait regretter à bon nombre de leurs fans la fin malheureuse de grandes carrières. Pensons entre autres à John Lee Hooker et à Ray Charles, qui n'étaient pas loin de la caricature lors de leur dernière visite au FIJM.

B.B. King, qui vient de mourir à 89 ans, n'a jamais su s'arrêter lui non plus. «Le roi du blues mérite repos», titrait déjà La Presse en 2006 quand l'ancien Blues Boy de Beale Street (Memphis) avait donné au Festival de jazz un concert à l'occasion de ses 80 ans.

Restent les bons souvenirs... En 1995, dans le Cabaret du Forum conçu pour l'occasion, le vice-président à la programmation du FIJM, André Ménard, avait réuni B.B. King et Buddy Guy pour ce qui restera peut-être dans les mémoires comme le plus grand concert de blues de l'histoire du festival. Ce soir-là, les Montréalais avaient aussi découvert un jeune harmoniciste du nom de Guy Bélanger...

Pour l'ambiance, toutefois, rien ne battra jamais le Spectrum, avec un B.B. King en forme. Un soir, après une performance impeccable, le bluesman préféré des Blancs distribuait des épinglettes à son effigie au bord de la scène, encadré de ses immenses gardes du corps, pendant que son orchestre étirait la finale et que le leader répétait: «The King of the Blues... Mister B... B... King!» Quinze fois, vingt fois peut-être: une finale qui n'en finissait plus, comme pour aider les spectateurs à atterrir après une longue envolée. «Mister B.. B... King!»

Une fois dans la rue, Robert Duguay, un pince-sans-rire dont plusieurs lecteurs de La Presse se souviendront avec plaisir, m'avait demandé: «Comment il s'appelait encore, Lemay, le gars qui jouait de la guitare?

«Il s'appelait B.B. King, Duguay. Mister B.B. King...»

Gros maillon

La lenteur et le ton des réactions ont montré jusqu'à quel point les acteurs de l'industrie du livre marchent sur des oeufs en commentant la transaction qui, avec l'achat des magasins Archambault de Québecor, renforce la position de Renaud-Bray comme principale chaîne francophone de librairies en Amérique du Nord. Par son impact possible, cette transaction dépasse en importance celle qui, il y a deux ans, avait fait passer Spectra et ses festivals aux mains du Groupe CH de Geoff Molson.

Les intéressés et les «politiques» ont tous exprimé leur satisfaction de voir Archambault - l'un des noms les plus prestigieux du commerce culturel d'ici - rester entre des «mains québécoises».

Il faut certes s'en réjouir, mais reste à voir comment Blaise Renaud, un jeune homme à la main lourde et, en même temps, leste du revers, voit l'avenir des deux chaînes qui se retrouvent face à face, ou côte à côte, au Carrefour de l'Estrie à Sherbrooke et aux Galeries de la Capitale à Québec, entre autres. Sans parler du centre-ville de Montréal où Archambault, outre sa maison mère historique (coin Sainte-Catherine et Berri), a un magasin à la Place des Arts tandis que Renaud-Bray est installé de l'autre côté de la rue, au Complexe Desjardins.

Renaud-Bray: 31 magasins, 1000 employés; Archambault: 14 magasins, 1000 employés... dont plusieurs sont des disquaires, un poste que Renaud-Bray a aboli l'an dernier. Quelle voie prendra la nécessaire rationalisation? Verrons-nous l'émergence d'un nouveau poste de biblio-disquaire?

Par ailleurs, Renaud-Bray et le distributeur Dimedia ont réglé vendredi un conflit qui durait depuis un an et qui empoisonnait littéralement le milieu du livre. Blaise Renaud, toutefois, ne croit pas à la «chaîne du livre» présentement encadrée par la loi 51 (sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre) dont la ministre Hélène David a confié la révision à Denis Vaugeois, qui l'a fait naître en tant que ministre de la Culture en 1981.

Cette loi oblige entre autres les acheteurs institutionnels à s'approvisionner auprès de librairies agréées par le Ministère et, de ce fait, tenues de garder en stock pendant un certain temps toutes les nouveautés, québécoises notamment. Selon nombre d'observateurs, bien des librairies, même les grosses, peinent à conserver un tel inventaire, tant pour des raisons de liquidités que d'espace.

«Les éditeurs québécois sortent trop de livres», nous dira l'un d'eux. «Trop de livres qui ne se vendent pas...»

À quel prix la «bibliodiversité» totale?