Dylan Perron et Élixir de Gumbo ont remporté, lundi soir au Club Soda, la 19e finale des Francouvertes, devant le jeune Émile Bilodeau et Charles-Antoine Gosselin, membre du groupe Harvest Breed.

En allant chercher son prix, Dylan Perron, qui roule sa bosse depuis des années, a vanté la riche scène des bars.

Nous avons parlé à l'ancien guitariste du défunt groupe United Steel of Workers of Montreal au lendemain de son sacre. Discussion sur l'industrie, l'autoproduction, le banjo et le fameux élixir de gumbo!

Gros lendemain de veille?

Pas si pire. J'ai étonnamment été sage.

Comment le groupe se sentait-il en coulisses lors de la finale avant de monter sur scène?

Je vais parler pour moi, mais je me sentais assez calme. C'est après que tu te rends compte du stress. Mais c'est certain que le concours enlève du laisser-aller.

Quelles attentes aviez-vous en participant aux Francouvertes?

Aucune. On a essayé de participer il y a trois ans et il y a deux ans. Quand on s'en foutait, notre bookeur s'est fait dire que ce serait un bon temps pour s'inscrire... C'est drôle, la vie, des fois. C'est la joie des concours.

Lundi soir, vous avez interpellé les médias lors de votre discours: «Lâchez les concours et sortez dans les bars.» Pourquoi?

Après avoir fait beaucoup de bars et de festivals, on a réussi à entrer dans les salles et même à aller en Europe. Nous avons été chanceux. Il y a peu de groupes dans notre giron qui se rendent à RIDEAU [rencontre annuelle du Réseau indépendant des diffuseurs d'événements artistiques], car on coûte cher. On a fait le ROSEQ (vitrine des diffuseurs de l'Est du Québec) aussi et cela a ouvert plein de portes. Mais les concours ne devraient pas être incontournables. On a joué aux Francos et à Coup de coeur francophone. Ostie qu'on a joué et il n'y a pas eu de buzz... Nous sommes dans une culture de concours et cela n'aide pas la musique.

La musique de Dylan Perron et Élixir de Gumbo tend vers le folk-bluegrass avec des textes qui entremêlent l'humour et l'engagement social. Pourquoi cette orientation musicale?

J'ai toujours eu plein de projets. Ceci est mon projet acoustique. À l'image des formations bluegrass américaines comme Ricky Skaggs and Kentucky Thunder [que Dylan Perron a eu la chance d'accompagner en première partie], Élixir de Gumbo est le nom du groupe qui m'accompagne. C'était le nom d'un vieux remède de cheval des années 40 qu'un doc vendait en faisant du porte-à-porte. Mais des draveurs en prenaient... comme du PCP d'animal!

À la base, j'ai étudié en jazz au cégep de Saint-Laurent et à Concordia, mais je n'allais pas beaucoup à mes cours. J'ai fait des spectacles corpos et de mariages avec du top 40 et je n'en ferai plus jamais. J'ai aussi eu plusieurs projets électriques (Bleu Fripé) et joué au Bistro à Jojo. Le bluegrass est pour moi du jazz acoustique. Il y a beaucoup de place pour les solos et tous les musiciens. Tu te renouvelles et j'aime cette liberté.

Guitariste de formation, j'ai commencé à jouer du banjo et de la mandoline malgré moi avec United Steel Workers of Montreal (un groupe qui a beaucoup tourné à l'étranger), puis avec le groupe Irish Bastards. Des joueurs de banjo à cinq cordes de style struggs, il n'y en a pas beaucoup. Je joue aussi avec Québec Redneck Bluegrass Project, de sacrés gais lurons anarcho-punk qui se sont rencontrés en Chine, mais qui viennent du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ils se câlissent de l'industrie, mais ils débarquent ici chaque été et leurs salles sont pleines. Un sacré band de débauche!

En quoi les Francouvertes changent-elles la donne pour le groupe?

On a déjà un album sorti en 2012. Cela fait longtemps qu'on l'étire... Il faut que j'imprime une autre batch de 1000 copies. Sans distributeur, à la mitaine! Mais là, il faudrait entrer dans la machine. L'affaire, c'est que j'ai fait beaucoup d'argent et réussi à gagner ma vie en vendant 20 $ à la mitaine des disques enregistrés dans ma chambre. Je devrai faire des choix... J'ai une amie qui a commencé à m'aider en cogérance. Elle travaille chez 7e ciel, le label d'Anodajay (Samian, Koriass). Quelqu'un de l'Abitibi, comme moi, qui choisit ses projets. On verra...