Non seulement l'aide publique représente « un levier essentiel » pour l'industrie musicale du Québec, mais le gouvernement doit agir afin de protéger le contenu québécois à l'ère de l'écoute en ligne. Il doit aussi pousser les fournisseurs de services de télécommunications à investir dans la création.

Voilà ce qui s'est notamment dégagé des Rencontres de l'ADISQ, qui se déroulaient hier au Marché Bonsecours.

Commençons par la bonne nouvelle, qui a été dévoilée en début de journée. Selon une étude de la SODEC, les revenus des entreprises québécoises reliées à l'industrie de la musique et du spectacle ont augmenté de 3,8 % par année depuis cinq ans, malgré la chute des ventes d'albums. « Surtout les entreprises diversifiées (gérance, spectacle, enregistrement sonore) », a souligné la directrice générale Solange Drouin.

Dans l'année financière 2013-2014, 16 % des revenus des 108 entreprises provenaient de l'aide publique, et 73 d'entre elles étaient rentables. Sans cet apport, trois fois moins d'entreprises feraient des profits (26 contre 73). « L'aide publique est un levier essentiel », plaide Solange Drouin.

Pour plusieurs représentants de l'industrie, les différents ordres de gouvernement ont toutefois un plus grand rôle à jouer.

Créer des prescripteurs de goût

Lors de l'atelier sur les redevances pour l'écoute de musique en ligne (à la fois sur YouTube et sur les Rdio, Deezer et Spotify), des panélistes ont déploré le manque d'engagement politique pour améliorer la rémunération des artistes québécois à l'ère du numérique. « Il n'y a pas de volonté politique. Le droit du consommateur prime », a lancé Daniel Lafrance, directeur d'Éditorial Avenue.

Présent, le député du NPD Pierre Nantel a invité notamment YouTube - représenté hier par Romain Becker - à être « un bon citoyen corporatif ».

« Le gouvernement canadien s'est couché à terre devant Netflix », a dénoncé le député qui a travaillé pendant 20 ans dans l'industrie de la musique, notamment chez Audiogram.

Si le gouvernement français a réussi à convaincre Netflix d'investir dans la production d'oeuvres et de contenu, le gouvernement canadien pourrait aussi le faire dans le domaine de la musique, plaide-t-il.

Selon Dorothée Parent-Roy, de Believe Digital, l'industrie musicale québécoise doit quant à elle mieux se vendre aux différents services et plateformes d'écoute en ligne, en plus d'y promouvoir la présence de ses artistes. Notamment en créant des listes d'écoute. « Il manque de prescripteurs de goût du Québec », a-t-elle souligné.

Pour Stéphanie Moffatt (qui assure la gérance de sa soeur Ariane), les Deezer, Songza et compagnie sont devenus « un joueur incontournable », mais elle les considère comme « un partenaire de visibilité et pas de contenu ».

Si les Moffatt ont décidé que l'album 22h22 ne serait pas disponible sur les services d'écoute en ligne, c'est dans l'optique de « rentabiliser l'investissement initial » au lieu « d'aller chercher de nouveaux fans ». « Une fois que tu as fait le front de tous les journaux et Tout le monde en parle [...], t'as pas besoin d'offrir ta musique en streaming », a lancé Stéphanie Moffatt. Il faut plutôt multiplier les revenus pour rembourser les artisans de l'album, des musiciens au graphiste de la pochette.

Spotify et Deezer offrent différents forfaits (payants ou non). Pour Georges Tremblay de Believe Digital, les gens doivent oublier l'ancien modèle économique de l'industrie et penser à long terme. Au nombre de fois où il a écouté l'album Dark Side of the Moon de Pink Floyd, il croit que le groupe aurait eu, en fin de compte, plus de redevances de streaming que de droits d'auteur découlant de la vente traditionnelle de l'album.

« Il faut reconstruire des logiques de promotion sur les réseaux sociaux. », affirme Romain Becker, gestionnaire de partenariats musicaux chez YouTube.

« La vérité des prix »

L'économiste Marcel Boyer estime que les redevances versées aux musiciens sont trop faibles, notamment par rapport aux salaires des animateurs des radios musicales commerciales.

Grâce à un savant calcul de prix par minute et de ratio de temps d'antenne « musical/parlé », il estime que les musiciens devraient empocher annuellement des redevances de 440 millions au lieu des 178 millions (chiffres les plus récents).

« Ce n'est pas mon opinion, mais mon point de vue d'économiste qui croit en la vérité des prix », a conclu le professeur à l'Université de Montréal.

En après-midi, l'ADISQ dévoilait sa nouvelle plateforme numérique, dont La Presse a fait état hier.