Andre Papanicolaou est ce qu'on pourrait appeler un bourreau de travail. Le gars n'arrête pas beaucoup: il accompagne des chanteurs sur scène, réalise des disques et lance aujourd'hui son deuxième CD, Strange Nights. Oh! et il est aussi père de deux enfants dont un bébé tout neuf.

«Workaholic, oui... Je ne prends pas beaucoup de vacances», sourit ce fils d'immigré grec qui a grandi à Chomedey avec l'anglais comme langue maternelle. Il croyait, souhaitait, que la naissance de son premier enfant le calme un peu... Mais non. «J'ai décidé de consulter. Pour mettre de l'ordre dans tout ça. Établir les priorités...» Et la consultante en priorités a suggéré au musicien de consigner quotidiennement ses pensées dans un journal. Ce qu'il faisait sporadiquement... et à grand-peine.

«Je me trouvais niaiseux, je n'avançais pas. Alors ma psy a dit: "Écris des textes de chansons."»

Et voici Strange Nights, conçu nuitamment dans son studio maison de Sainte-Dorothée.

«Je ne chantais pas fort, pour ne pas réveiller le bébé, mais je me suis mis les tripes sur la table...»

Comme coréalisateur, le guitariste et chanteur s'est adjoint Brad Barr, leader du quatuor The Barr Brothers. «Je n'avais jamais travaillé avec Brad, mais je savais qu'il était un instinctif et qu'il ne se gênerait pas pour exprimer son opinion.»

L'amitié, explique Andre Papanicolaou, n'est pas toujours un plus dans le processus d'enregistrement d'un disque; elle fait parfois obstacle à la reconnaissance de la réalité. Pour ne pas faire de peine à l'autre... «Le réalisateur doit souvent jouer les bad cops et dire la vérité: "Ça jive pas ici!» »

Strange Nights, selon l'auteur-compositeur-interprète, est un disque «plus moody, plus studio» que son premier, Into the Woods, Out of the Woods, paru en 2012, une production d'allégeance rock où le band était mis à l'avant. Papanicolaou se dit «fier de la vibe» de Strange Nights où il est entouré de Barr (piano, guitare, etc.), Ben Morier à la basse et Simon Blouin à la batterie.

Réalisateur prisé

Sur scène, Andre Papanicolaou accompagne toujours Vincent Vallières dans la tournée Fabriquer l'aube - au Théâtre du Vieux-Terrebonne ce soir - de même que la chanteuse Kensico qui compte aussi sur le jeu de guitare de Daran.

Comme réalisateur, «Papa» vient de terminer Le désert, la tempête, premier CD de Sophie Pelletier, finaliste de Star académie l'année où Jean-Marc Couture a été couronné.

«La première chose à comprendre quand tu réalises le disque d'un autre, c'est que, justement, ce n'est pas ton disque... La complicité doit avoir comme seul but de faire briller l'autre», explique-t-il.

Mais l'exercice tire du jus. Andre Papanicolaou a déjà à son «réal-palmarès» l'excellent Le feu de chaque jour de Patrice Michaud, album folk de l'année au dernier gala de l'ADISQ. «On savait où on s'en allait. Patrice voulait un disque «américain», cru. On a tout fait dans mon studio, mais, quand on a eu fini, il a fallu que je prenne un break...»

Pour Andre Papanicolaou, l'offre musicale québécoise n'a jamais été aussi bonne. «Niveau de qualité mondial», lance le diplômé de Concordia en sciences politiques et économie. L'industrie, par contre, se porte moins bien. Peut-être à cause de la numérisation des oeuvres, dont la commercialisation est difficile à contrôler. «Je suis fier d'acheter de la musique, mais, si j'étais né en l'an 2000, je ne sais pas comment je me comporterais comme consommateur...»

Fort en synthèse, Andre Papanicolaou reste toutefois convaincu d'une vérité qui transcende tous les «supports»: «La culture, ce n'est pas une parenthèse, un extra que l'on peut séparer du reste...»