Légende du pop-folk, Cat Stevens se fait appeler Yusuf Islam depuis sa conversion à l'islam. Après une longue éclipse, il fait son grand retour lors d'une tournée mondiale où il cherche à concilier sa double identité.

Personnage controversé pour certains, incompris pour d'autres, le chanteur britannique est remonté sur scène cette semaine à Londres, sa ville natale, pour deux concerts salués par la critique et qui ont permis de vérifier que sa voix, mélange de puissance et de douceur, transcende toujours les foules.

«Ça fait du bien d'être de nouveau en tournée. Je suis un homme heureux», explique-t-il à l'AFP. Ce périple doit le conduire dimanche à Bruxelles, puis en Italie, en Autriche, en Allemagne, et le 16 novembre, à Paris, une ville dont «le rapport suave à la vie» l'a «fortement influencé».

Partout, il défendra son nouvel album, Tell'Em I'm Gone, aux influences très blues, mais laissera aussi une grande place à son répertoire ancien et à des succès comme Wild World, Moonshadow ou Peace Train.

«Je veux faire plaisir aux gens et aussi leur rappeler que c'est moi et non Rod Stewart qui ai composé une chanson comme The First Cut is the Deepest», lance-t-il.

Après l'Europe, il se rendra aux États-Unis, où il fut un temps interdit d'entrée lorsque son nom est apparu sur une liste de personnes interdites de vol après le 11 septembre 2001. «Je me sens le bienvenu aujourd'hui. Ça va être bien», dit-il, avant d'ajouter dans un murmure «j'espère».

Aux États-Unis, plus que partout ailleurs, il risque d'être considéré à vie comme un individu un peu suspect.

Depuis sa conversion à l'islam en 1977, Cat Stevens a basculé dans la catégorie des artistes qui font parler d'eux pas seulement pour leur talent. Il en a gardé des cicatrices profondes et une méfiance féroce envers les médias.

«Nos relations sont sur le fil du rasoir. Les médias sont toujours en quête de gros titres. Je ne peux faire confiance à personne», dit-il l'air navré.

Musique et spiritualité

Les années consacrées à l'éducation et la philanthropie ont alimenté les spéculations. L'épisode le plus controversé reste celui où il a défendu, en 1989, la fatwa émise contre le romancier Salman Rushdie. Un incident qu'il a mis plus tard sur le compte de la «bêtise» et du «mauvais goût».

Mais aujourd'hui encore certains lui reprochent de ne jamais s'être excusé.

Editing Floor Blues, une chanson très autobiographique de son dernier album, fait référence à l'épisode. Mais lorsqu'on lui demande s'il peut développer cette affaire, il coupe d'un ton sec: «C'est exactement le genre de questions que je cherche à éviter.»

À 66 ans, Yusuf continue à porter une attention maniaque à son image, recadrant le cameraman qui a le malheur de le filmer sous le mauvais angle. «Contrôle» est un mot qui revient souvent dans sa bouche. Mais en même temps il se montre chaleureux et affable.

Sa veste de motard et ses lunettes de soleil évoquent une rock star. Sa longue barbe blanche ajoute une touche de spiritualité.

Très vite, il est question de son identité. Celle de Steven Demetre Georgiou, né d'un père grec et d'une mère suédoise, qui assume aujourd'hui deux autres noms.

Sur son site internet, la pochette de son album, le fronton des salles de concert et les t-shirts vendus à l'intérieur, Yusuf et Cat Stevens se côtoient.

«J'ai évolué avec le temps mais l'esprit est resté le même. Ceux qui viennent voir Cat Stevens et ceux qui viennent pour Yusuf sont tous les bienvenus», dit-il.

Sa foi tient une place essentielle dans sa vie mais la musique a opéré un sacré retour en force. «Une partie de la communauté musulmane m'a critiqué pour avoir repris la guitare. J'ai même fait un livre pour leur expliquer que la musique faisait partie de la civilisation musulmane et que nous devons retrouver ce contact, cette approche de la vie.»

Né à Londres, résidant à Dubaï, l'artiste se veut «un miroir à la fois pour le monde occidental et le monde musulman». Un même et unique miroir «vu à partir de deux angles légèrement différents».