Lisa Simone, fille unique de Nina Simone, a attendu d'avoir 52 ans pour enfin se dévoiler dans All is Well, disque à paraître jeudi avec pour la première fois plusieurs compositions personnelles d'une femme ayant «enfin trouvé le bonheur et la tranquillité».

«Quand j'ai écrit All is Well, en 2007, j'étais très triste, je pleurais souvent. C'était une période de bouleversement dans ma vie», explique Lisa Simone, qui a longtemps souffert de la figure écrasante d'une mère tempétueuse.

«J'ai changé ma relation avec la douleur, avec les souvenirs, avec la vie, et grâce à la méditation et au bouddhisme, que je pratique depuis trois ans, j'ai trouvé le bonheur et la tranquillité», dit la chanteuse.

Et la sensation d'être libre, d'avoir dompté ses démons, exprimée avec véhémence, façon rhythm'n blues, dans Finaly Free sur l'album.

Son disque contient des compositions de différentes époques, parmi lesquelles Child in Me.

«J'ai écrit Child in Me en 1994 pour raconter les souvenirs de mon enfance, et dire à ma mère que je l'aimais. La douleur était très grande», raconte-t-elle. «Maintenant, quand je chante cette chanson, la douleur a disparu».

Mais lorsqu'elle évoque son enfance et son adolescence, son visage radieux et souriant s'assombrit, le regard se durcit, trahissant des blessures pas totalement refermées.

«C'était difficile d'être la fille de quelqu'un de très grand», se souvient Lisa Simone.

Lorsque Lisa vient au monde en 1962, Nina Simone, figure de la musique noire américaine, est au faîte de sa gloire et va s'engager dans la lutte pour les droits civiques, qui fait rage.

Histoire d'amour avec la France

«Après les concerts, quand vient le moment pour votre mère de rentrer à la maison, tout ce dont votre enfant a besoin, c'est qu'elle vous raconte une histoire et passe du temps avec vous», raconte Lisa Simone. «C'était présent, mais par intermittence. Ma mère était très préoccupée par d'autres choses», poursuit Lisa, qui passe les huit premières années de sa vie entre les mains de treize gouvernantes.

«Elle m'aimait beaucoup, mais elle aimait autant la musique, et ne pouvait concilier les deux.»

«Plus j'ai grandi, plus c'est devenu difficile. Je représentais une rivale et quand j'avais 15 ans, la relation était très mauvaise. Elle criait beaucoup. Mais au fond d'elle-même, elle avait peur, et pour surmonter cette peur, elle se mettait en colère».

Lisa Simone remue tous ces sentiments sur All is Well, un disque qui sera suivi d'une tournée à partir du 14 octobre.

La musique proposée est une soul puissante aux sources du gospel, avec des influences folk, le swing jazz d'une contrebasse, des effluves de musique africaines et caraïbes. Suzanne de Leonard Cohen prend ainsi de surprenantes couleurs calypso.

Si All is Well est son premier album personnel, Lisa Simone possède déjà un solide «background» appris à l'école de Broadway, qu'elle fréquente depuis vingt ans.

Elle a déjà publié en 2008 un premier album, Simone on Simone, pour le marché américain et ne contenant que des reprises de succès de Nina Simone.

Sur All is Well, sa voix se fait tantôt puissante (Finaly Free, Revolution), tantôt plus souple et sensuelle, comme sur Ain't got no Life qui rappelle le célèbre What's Goin'on de Marvin Gaye.

Elle rend hommage à Nina Simone en offrant une version convaincante de The Hardest Part, même si elle n'y met pas la même intensité que sa mère, dont «le feu dans (le) coeur était très grand et ne s'est jamais éteint».

Enregistré dans la quiétude de la Fondation Laborie, en Limousin, avec un groupe tout neuf de musiciens d''horizons divers, All is Well raconte aussi une histoire d'amour avec la France.

Lisa Simone s'y est installée l'année dernière, dans la maison de Carry-le-Rouet, près de Marseille, dans le sud de la France, où sa mère a vécu les dernières années de sa vie et est enterrée.

«Pour la première fois dans mon coeur, j'ai l'impression d'être arrivée chez moi», confesse-t-elle, les larmes aux yeux.