On sait ce qu'en pense la monarchie du rock. Paul McCartney, Rod Stewart, Mick Jagger et David Bowie, tous de loyaux sujets britanniques, se sont ouvertement prononcés contre l'indépendance de l'Écosse.

Mais sur la scène écossaise, c'est un autre son de cloche.

Hier soir, une dizaine de groupes écossais bien connus, incluant les populaires Franz Ferdinand, se produisaient bénévolement à l'Usher Hall d'Édimbourg, dans un gros concert pour l'indépendance appelé A Night for Scotland. La liste des invités incluait aussi les formations Mogwai et Frightened Rabbits ainsi qu'une poignée d'artistes locaux versant dans le folk, le rap ou l'humour.

Dans le cas de Franz Ferdinand, il s'agissait d'un véritable coming out politique. La sensation rock de 2004 ne s'était jamais prononcée officiellement pour l'indépendance. Ses chansons ne sont pas particulièrement militantes.

En revanche, les opinions de Mogwai et des Frightened Rabbits étaient connues depuis un moment.

Dans une déclaration au début septembre, le leader du groupe, Stuart Brathwaite, a rappelé que ce référendum était «l'occasion d'une vie» pour les Écossais «de montrer au monde ce dont ils sont capables».

Nouvelle sensation rock en Écosse, les Frightened Rabbits ont ajouté qu'avec «autant de talent et de richesses, les Écossais non seulement ont les moyens de leur indépendance, mais la méritent».

En prenant ainsi position, les deux formations ont rejoint Sean Connery, Irvine Welsh, Belle & Sebastian, Finlay MacDonald (Teenage Fanclub) et les Proclaimers dans le camp des artistes écossais pour le Oui.

Les artistes écossais pour le Non, plus discrets et moins militants, incluent entre autres les chanteuses Susan Boyle et Annie Lennox d'Eurythmics ainsi que Rod Stewart, qui est à moitié écossais.

Pas de shows sur la montagne

On sait l'importance qu'ont eue les chanteurs pour la cause souverainiste au Québec. D'Harmonium aux Colocs, la cause fut portée chez nous autant par les artistes que par les politiciens.

En Écosse, le «chant de mon pays» est un peu moins extraverti. Hormis A Night for Scotland, qui réunissait environ 3000 spectateurs hier (les billets se sont vendus en moins de deux jours), il n'y a pas eu de gros événements fédérateurs comparables aux fameux shows sur la montagne des années 70.

En revanche, une multitude de petits projets venus de la base ont été présentés depuis deux ans aux quatre coins de l'Écosse. Certains étaient le fruit d'initiatives individuelles, beaucoup étaient organisés par le National Collective, une nébuleuse comptant près de 2000 artistes, dont la mission était de promouvoir l'indépendance à travers la création. Au dernier Fringe d'Édimbourg, célèbre festival de théâtre et de comédie, une dizaine de productions plus ou moins importantes ont aussi abordé le sujet.

«J'imagine que nous n'avions pas besoin de gros rassemblements, explique Tommy Sheppard, producteur de la soirée A Night for Scotland. La seule raison pour laquelle nous avons organisé cet événement, c'est qu'il nous fallait un point de ralliement et une poussée d'enthousiasme avant la dernière ligne droite. Tous les médias seront là. Ça nous donne une chance de faire entendre notre message globalement.»

Le débat autrement

Tommy Sheppard est convaincu que les artistes ont joué un rôle important dans la campagne du Oui. «Ils ont posé des questions et ouvert la discussion, lance le promoteur. Or, plus on en parle, plus il y a de chances qu'on l'emporte.»

Allan Bissett est parfaitement de cet avis. Auteur de la pièce The Pure, the Dead and the Brilliant, un plaidoyer pour l'indépendance présenté avec succès au dernier Fringe (7000 spectateurs), le dramaturge croit que les artistes ont «offert une solution de rechange au discours politique», qui a permis aux gens «de penser de façon différente».

«De plus, ils ont rendu le débat plus excitant que les propos plats et stériles servis dans les médias», ajoute Bissett.

On verra bien jeudi si cette mobilisation aura un impact sur le vote.

D'ici là, une question demeure: pourquoi Mick Jagger, David Bowie et Paul McCartney, âmes réputées rebelles, ont-ils décidé d'appuyer la cause du Non avec autant de passion?

«Ils ne comprennent pas ce qui se passe, suggère Tommy Sheppard, découragé. Ils pensent que cette campagne est basée sur la haine des Anglais. Ça n'a rien à voir. C'est une vision qui date de 50 ans...»

Ils sont pour le Oui

> Elijah Wood: «L'indépendance de l'Écosse? Fucking go for it, man

> QIrvine Welsh (Trainspotting): «J'ai toujours pensé que l'Union empêchait l'Écosse de dominer le monde. Nous serions impossibles à arrêter si nous étions indépendants.»

> Alan Cumming (X-Men): «C'est une magnifique occasion. On doit la saisir à deux mains.»

Sean Connery: «Il ne faut pas manquer cette occasion. Il n'y a rien de plus créatif que la création d'un nouveau pays.»

> Finlay MacDonald (Teenage Fanclub): «Avec l'indépendance, nous avons la chance de créer une société plus juste et plus progressiste.»

> Stuart Brathwaite (Mogwai): «La base des sous-marins nucléaires Trident est à 30 milles de chez moi. On vote Oui et on se débarrasse de tout ça.»

Ils appuient le Non

> Mick Jagger: «Ce qui nous unit est plus grand que ce qui nous divise. Restons ensemble.» Le chanteur des Rolling Stones est l'un des 200 artistes à avoir signé une lettre en faveur du Royaume-Uni. Paul McCartney, Judi Dench et Patrick Stewart faisaient aussi partie du lot.

> David Bowie: «Écosse, reste avec nous.»

> J.K. Rowling: «L'Écosse est un pays remarquable. Mais elle est sujette aux mêmes pressions que tout le monde. Elle doit rivaliser dans le même marché mondial, se défendre contre les mêmes menaces et naviguer dans une économie qui est encore fragile.» Anglaise résidant à Édimbourg, l'auteure des Harry Potter a donné 1,2 million de livres à la campagne du Non.

> Susan Boyle: «Je suis une Écossaise fière et patriote, passionnée par mon héritage et mon pays. Mais je ne suis pas une nationaliste.»

> Ewan McGregor: «Je suis écossais et j'aime l'Écosse de tout mon coeur. Mais j'aime aussi l'idée de la Grande-Bretagne.»

> Annie Lennox: «C'est un sujet complexe et il y a une grande part de risque. Cette décision ne doit pas être prise à la légère ou sur un coup de tête patriotique.»

> Rod Stewart: «Je serais déçu de voir l'Union se briser après toutes ces années. J'espère que les gens ne voteront pas Oui en pensant à Braveheart.»

> Emma Thompson: «L'indépendance est une idée romantique. Mais pourquoi mettre des frontières entre les hommes?»