Exilé à New York, CharlElie Couture retrouve lundi la France avec ImMortel, un album très finement produit par Benjamin Biolay dont le «poète rock» se dit «admiratif», dans un entretien à l'AFP.

«Faire un disque avec quelqu'un c'est un peu comme partir en voyage, ce n'est pas dit qu'au bout de trois jours ça se passe bien. Là, le voyage que Benjamin Biolay a fait faire à mes chansons, à ce que je suis, peut emmener dans son sillage toute une génération de gens qui ne me connaissent pas et qui se demandent «C'est qui ce gros là?»», s'enthousiasme CharlElie Couture.

Depuis plusieurs années, le «poète rock» s'est exilé aux États-Unis, frustré par un manque de reconnaissance en France pour ses autres activités artistiques, la peinture et la photographie notamment. Une blessure ravivée ce week-end par le fait d'avoir été «oublié» au montage lors de la soirée des 30 ans des FrancoFolies enregistrée en juillet et diffusée samedi sur France 2: «Me voilà effacé. Javel. Je n'existe pas», s'est-il étranglé sur son site.

Résolument tournés vers l'Amérique et publiés de façon indépendante, ses deux derniers albums New Yorcoeur (2006) et Fort Rêveur (2011) ont été tièdement accueillis en France.

Aussi, le musicien se réjouit-il de l'attente particulière qui entoure la sortie d'ImMortel.

La présence de Benjamin Biolay, le producteur le plus recherché du moment, son retour dans le giron d'une compagnie majeure du disque (Mercury, filiale d'Universal) «mettent en confiance ceux qui douteraient», estime-t-il.

Travailler avec l'auteur de La superbe n'était cependant pas une décision de circonstance, assure-t-il. La première rencontre entre les deux musiciens remonte à 2010.

«J'avais lu des interviews de lui où il me citait comme influence et du coup je l'avais invité à venir sur scène lors d'un concert au Casino de Paris en 2010», raconte CharlElie Couture.

«Après, on a essayé de faire quelque chose mais ça ne s'est pas fait. Jusqu'à l'année dernière, où je suis allé le voir en coulisses et où je lui ai proposé de produire mon prochain album. À ce moment-là, je n'avais même pas de maisons de disques», poursuit-il.

Des textes sombres

Benjamin Biolay a habilement marié son univers à celui de CharlElie Couture, ajoutant de la douceur à la poésie urbaine du chanteur.

Au final, ImMortel signe les grandes retrouvailles de cet admirateur de blues avec la chanson française.

«Biolay s'est amusé à retisser des fils que j'avais utilisés dans d'autres disques. Il l'a fait avec intelligence sans que ça apparaisse comme un retour en arrière, un machin rétro», note CharlElie Couture.

«Je suis admiratif de son travail. Il sait arrondir les angles, rendre plus universelles des choses que je fais d'une manière trop marquée», estime-t-il.

Il cite en exemple Broken une chanson du disque qu'il a déjà publiée sur un album en anglais sorti uniquement aux États-Unis.

«Quand tu écoutes ma production initiale, tu te dis «C'est une chanson qui peut passer sur France Inter à 23h». Biolay fait son truc et là tu te dis «RMC, 10h du matin, ça marche». C'est la même chanson, la même musique, je chante de la même façon mais ça n'a rien à voir», dit-il, «admiratif».

Les arrangements tout en harmonie que Benjamin Biolay a posé sur le disque fonctionnent d'autant mieux qu'ils viennent en contrepoint de textes sombres marqués par «l'angoisse d'exister». ImMortel est d'ailleurs un jeu de mots sur «immortel» et «I'm (je suis) mortel».

«J'ai eu des alertes et au cours des cinq dernières années j'ai vu partir un certain nombre de bons amis, des proches de mon âge: Bashung, (le patron de FrancoFolies) Jean-Louis Foulquier, (le journaliste) Gilles Verlant... Sans larmoyer, un jour ce sera mon tour», confie le chanteur de 58 ans.