Fait rarissime en 2014 : on ne sait jamais à quoi s'attendre sur scène avec Beck sinon qu'il devrait donner un bon spectacle. Hier, c'est dans une grande forme dansante et en mode grands succès qu'il s'est présenté au public de la salle Wilfrid-Pelletier, sans écarter son nouvel album plus introspectif.

Lors du rappel, Beck était en feu. Il a repris 1999 de Prince, alors que Sean Lennon -qui se produisait en première partie- jouait de la cloche à vache sur scène. Vous avez dit surréel?

Mais reprenons le spectacle de Beck du début. Lui et ses musiciens émérites ont fait leur entrée sur des bruits de pas de robots. Des pas lourds, à l'image de la version de Devil's Haircut qu'ils ont balancés dans la gueule du public. Avec des projections rougeâtres de désert et de pyramides, la tête d'affiche de la soirée a enchaîné avec son tout premier succès, Loser (qui ne fait pas du tout ses 20 ans).

Avec son complet noir et rouge, Beck s'enflammait à la guitare tel un Jack White. Ses six musiciens de feu (Justin Meldal-Johnsen, Joey Waronker, Roger Manning, William Gustavus Seyffert, Jason Talmage Falkner et son légendaire guitariste Smokey Homel) s'amusaient comme des enfants.

Les projections nous faisaient oublier le cadre formel de la Place des Arts. Beck a offert des versions touffues et haletantes de Soldier Jane et Lost Cause. À l'harmonica, il a ensuite introduit Country Down, tirée de son dernier album.

Comme l'an dernier, il a terminé Think I'm In Love en lui mixant les airs d'I Feel Love de Donna Summer. Beck a rappé avec enthousiasme sur Hell Yes. Il a raconté avoir rencontré une fille nommée Debra dans la ville de John Wayne avant d'introduire la chanson qu'il lui a consacrée. Sur la musique suave et soul de son groupe, Beck s'est alors lancé dans un délire de road trip amoureux entre la Saskatchewan et des hallucinations sous la marijuana avec Willie Nelson.

Beck est l'un des rares artistes à faire des spectacles imprévisibles, dont la formule et le répertoire de chansons changent d'un soir à l'autre. Le spectacle d'hier était complètement différent de celui que nous avons vu à Osheaga, l'an dernier, et à New York, en 2012.

Particulièrement heureux et enthousiaste sur scène hier, Beck a souligné que le public d'Osheaga, l'an dernier, était le meilleur de son année 2013 de spectacles. «C'est toujours frustrant de venir à Montréal car il faut partir, a-t-il dit. Un jour, nous allons venir et rester...»

Personne n'a même déposé une fesse sur son siège. Même pendant le segment de ballades de nouvel album Morning Phase avec Say Goodbye, Don't Let It Go et Walking Light

Beck a ensuite reparti la machine dansante avec Girl. Et il a ouvert le rappel avec Sex Laws, avant 1999 et Where It's At, avec Sean Lennon sur scène à la cloche à vache. 

Le visage d'enfant heureux de Beck voulait tout dire sur la conclusion de la soirée: joyeux et mémorable.

Seul hic : le son trop fort (du moins de l'arrière du parterre) et mal ajusté sur la guitare acoustique de Beck.

Sean Lennon

The Ghost of a Saber Tooth, le groupe que Sean Lennon a fondé avec son amoureuse, Charlotte Kemp, assurait la première partie de Beck.

Accompagné de quatre musiciens, le couple a offert au public une succession fougueuse de pièces psychédéliques. Au-delà de la théorie «postmoderne» élaborée autour du groupe, ses chansons explosent à leur plein potentiel en spectacle.

La voix de Lennon fils, la richesse des instrumentations, les rythmes haletants, les harmonies vocales planantes et les mélodies en progression formaient un tout inspiré à la hauteur des ambitions des chansons.

En français, Sean Lennon, fort sympathique, a introduit Le soleil de minuit, traduction de la pièce-titre de l'album Midnight Sun. Son chapeau et ses solos de guitare rappelaient une autre époque sans tomber dans la nostalgie et le copier-coller de références.

Avant de quitter la scène, The Ghost of a Saber Tooth a offert une reprise caverneuse de la chanson Long Gone de Syd Barrett. Du pur délice rock.