Quand, avant même l'enregistrement de It's all right, Mamma, le Colonel Tom Parker a demandé à Elvis Presley ce qu'il attendait d'une carrière dans le showbiz, le jeune homme a répondu: «Faire des films et gagner assez d'argent pour acheter une maison à ma mère.»

Peu après, grâce aux talents respectifs des deux hommes, la Mamma avait emménagé dans une nouvelle demeure et Elvis, après avoir lancé la musique populaire américaine sur une voie nouvelle, avait commencé sa carrière cinématographique avec Love me tender (1956), premier d'une trentaine de films qui allaient faire de lui une des plus riches vedettes de Hollywood. Tout pour plaire au Colonel qui avait un faible pour les gros chiffres redondants...

Le parcours, un des plus connus du showbiz moderne, ne change en rien mais quand elle est racontée par le Colonel Parker, l'histoire d'Elvis Presley nous apparaît quelque peu différente. Dans les souvenirs du Colonel se tient toute la trame dramatique de Blue Suede Shoes - The King, the Colonel, the Memories, un spectacle de belle tenue présenté jusqu'au 29 juin au Village Theater de Hudson, dans l'ouest de la Montérégie.

Pour les chansons

Malgré le titre, Blue Suede Shoes n'a rien de la dramatique ou du musical: les chansons d'Elvis restent l'élément principal du spectacle et elles y sont magnifiquement servies. D'abord par la voix de l'Ontarien Roy LeBlanc, double champion canadien de la compétition Elvis à Collingwood - la plus grosse affaire du genre au monde - et premier Canadien à remporter le titre de World's Finest Elvis Tribute à Las Vegas (2002).

LeBlanc ressemble à Elvis, a fait siens les tics de l'autre - les regards rapides vers le chef d'orchestre, ici, un excellent quatuor - et il chante comme le King, surtout dans les hautes. Une faiblesse: LeBlanc, bien baraqué, n'est pas un grand danseur et il est moins fervent du pelvis que l'idole qu'il personnifie par ailleurs avec panache.

On connaît les étapes: le studio de Sam Phillips à Memphis, le service militaire en Allemagne, l'explosion filmique avec les belles du temps (Ann Margaret) mais dans des scénarios d'une aberrante pauvreté (King Créole, Kissin'Cousins, etc.), une époque sur laquelle Blue Suede Shoes passe de trop longues minutes, avec des chansons de série B comme les films.

Puis c'est le Comeback Special à NBC en 1968 - LeBlanc est un bon comédien - et les années Vegas avec les jumpsuits à paillettes, le tout musicalement bien rendu mais il faut bien comprendre l'anglais pour suivre les interventions du Colonel, joué par Chris McHarge, le concepteur du spectacle.

Les fans d'Elvis se retrouveront dans Blue Suede Shoes; les autres y découvriront une musique du siècle dernier qui s'appelait le rock and roll. One for the money, two for the show...