Groupe culte s'il en est, Swans a droit à une deuxième vie tout aussi flamboyante que la première. En témoigne l'immense succès critique des trois albums issus d'un nouveau cycle de création, dont le récent To Be Kind. Autrefois jugées étranges, inquiétantes, d'une violence sonore extrême, ces incantations rock sur fond de saturation imposent aujourd'hui le respect et l'admiration.

Quelques jours avant le passage de Swans à Montréal, son leader résume ses relents de créativité rock.

«Je ne sais rien faire d'autre avec moi-même!», pose humblement Michael Gira, 60 ans, dont la formation a été fondée en 1982.

À la suite d'une longue absence, soit de 1997 à 2010, le retour de Swans n'a rien d'une reconstitution dont l'objet est de nourrir la caisse de retraite de son fondateur, encore moins la nostalgie de ses fans de toutes générations. Notre interviewé exclut toute gestion de patrimoine.

«J'apprécie d'ailleurs que beaucoup de jeunes viennent à nos concerts. Une forte proportion de femmes s'y présentent aussi, ce qui est peu courant chez les groupes préconisant une musique à aussi fort volume. Je ne dis pas cela pour des raisons salaces, entendons-nous bien!»

Source d'inspiration

Érigées au fil de trois décennies, ces murailles de décibels ont inspiré une foule de créateurs et de mélomanes. Drone, rock industriel, folk, blues, folk, gospel, grégorien, vaudou, incantations vaguement soufies et autres chants propices à la transe. La musique de Swans a préfiguré l'approche de plusieurs formations postrock, à commencer par Godspeed You! Black Emperor.

Au tournant de cette décennie, au fait, comment était-il possible de repartir à l'aventure sans sombrer dans la redite ?

« Ce fut un réel processus de découverte, pense Michael Gira. J'ai recommencé avec une idée très précise. Mais comme c'est toujours le cas, les imperfections de notre parcours ont altéré mes plans initiaux. Les gens avec qui j'ai travaillé ont été très influents en ce sens. J'aime mes collaborateurs, j'aime les diriger et les guider parce qu'ils reviennent à la charge. Entre nous, il y a cette tension qui rend notre musique vraiment unique.

« Auparavant, par exemple, je ne me serais jamais autorisé à improviser de la manière dont nous le faisons actuellement sur scène. Les chansons sont peut-être plus gentilles, moins rudes qu'auparavant, mais il y a autre chose; par exemple, la pièce Bring The Sun/Toussaint L'Ouverture est à mon sens la meilleure musique au sein de laquelle je me suis impliqué. »

Grosso modo, la méthodologie de Michael Gira est la suivante: d'abord s'entourer d'une équipe solide [Christoph Hahn, Thor Harris, Chris Pravdica, Phil Puleo, Norman Westberg] et d'invités spéciaux [Little Annie, St. Vincent, etc.], puis soumettre un canevas aux collègues.

«Je propose la structure, les accords, les mélodies. Nous jouons ensuite et... des choses se produisent. J'essaie alors de tenir solidement les rênes du cheval en pleine course. L'album To Be Kind en illustre bien le processus.»

Dimension chamanique

Quant à la dimension vocale de Swans, son leader estime qu'elle a toujours été fondamentale.

«À l'époque, la chanteuse Jarboe a été une grande ressource vocale. Aujourd'hui, le côté choral a pris de l'importance. Certains parlent de gospel, une musique que je n'écoute pas beaucoup au demeurant, mais je peux comprendre pourquoi on associe ce type de chant à ceux de Swans. Les chants sacrés se lient bien à ma musique, car j'ai toujours aimé cette idée de long crescendo que l'on observe aussi - d'où la longueur de nos chansons, dont trois inédites, jouées en tournée, dépassent les 15 minutes. Cette approche chamanique se trouve dans toutes les formes valables de rock! On l'observe chez les Stooges ou dans les premiers enregistrements de Pink Floyd. On aime se perdre dans ces sons qui tourbillonnent.»

Visiblement, on aime s'y perdre une vie durant. Ou deux vies durant... ou trois. Quelle sera la troisième de Swans? Michael Gira en a déjà une idée.

«Je ne sais pas bien lire la musique; je n'ai pas de formation en musique classique. Mais je ne suis pas intimidé. Je suis encore partant pour faire des choses, je ne suis pas mort! D'ici deux ou trois ans, j'aimerais composer pour un plus grand groupe avec trompettes, trombones, cordes, percussions classiques, piano, jusqu'à 25 musiciens sur scène.»

Cygnes avant-coureurs...

Au National le 18 juin, 19h30, dans le cadre des Suoni per il Popolo. Première partie: Xiu Xiu.