Timide et introverti, certes. Racoleur et poseur, certainement pas. Au lendemain de sa victoire à La voix, La Presse a interviewé Yoan Garneau et sa coach Isabelle Boulay. Dimanche soir, le public a préféré sa voix grave au rock de Rémi Chassé et à la pop féminine de Valérie Lahaie et Renee Wilkin.

Yoan Garneau a quitté tôt le wrap party de La voix, dimanche soir, car une grosse journée l'attendait le lendemain. «Je ne voulais pas fêter trop tard à cause de toutes les entrevues que j'avais», explique-t-il... en entrevue avec La Presse, alors qu'un déjeuner refroidit devant lui au Café Cherrier.

Dimanche soir, Yoan Garneau avait l'air d'un chevreuil surpris par les phares d'une voiture quand l'animateur Charles Lafortune a prononcé son nom au micro. Sous les projecteurs, le gagnant de La voix cherchait ses mots.

Sans être de retour à la réalité, le natif de Ferme-Neuve, au nord de Mont-Laurier, portait hier un regard lucide sur sa victoire controversée. «C'est beaucoup d'émotion. Je suis très ému et surpris de tout ça, nous a-t-il dit. C'est vraiment spécial, tout l'amour qu'on me donne... C'est ce qui me rend sans mots.»

Dans les heures et les jours qui ont précédé la grande finale, le jeune homme de 18 ans n'a pas visualisé une victoire ou une défaite. «J'étais tellement concentré sur ce que j'avais à faire que je ne pensais pas au résultat, raconte-t-il. Je chante parce que ça me fait du bien, et je ne suis pas du genre à réaliser ce qui se passe.»

À la télévision comme en privé, un mystère se cache derrière les yeux bleus et les sourires pensifs de Yoan Garneau. Il parle avec la gêne, l'intériorité tourmentée et le charme maladroit d'un joueur de hockey. Mais sa voix grave crée le calme autour de lui.

Le jeune homme de 18 ans assume pleinement sa personnalité. Celle d'un cow-boy introverti et solitaire. «Oui, je suis introverti. J'aime beaucoup le public, mais j'aime me retrouver seul. J'ai besoin des deux.»

Yoan tient à préserver son jardin secret. «J'aime un peu moins quand la caméra entre dans ta vie privée ou quand elle te filme pendant que tu as un moment de répit. La dernière semaine a été très difficile, chargée... Mais je ne suis pas quelqu'un de stressé, car je ne réalise souvent pas ce qui se passe», répète-t-il.

Besoin d'authenticité

Depuis deux mois, Yoan Garneau vit surtout dans une chambre d'hôtel avec ses parents. «J'ai hâte de revenir à la base. De retourner dans mon coin et aux places où je jouais avant pour voir l'impact que ç'a eu.»

Yoan se dit «old-school». Il ne vivrait pas à Montréal à temps plein. Il a besoin de n'entendre aucun son quand il sort dehors.

«On dirait qu'il a été élevé à une autre époque, dit sa coach, Isabelle Boulay. Comme moi dans ma Gaspésie, à l'époque.»

Autant Yoan Garneau connaît ses valeurs et ses limites, autant Isabelle Boulay a bien saisi son «humanité» et son grand besoin d'authenticité.

«Yoan est un diamant brut, dit-elle. Ce n'est pas une personne malléable et qui s'abandonne facilement. J'ai tenu à préserver son intégrité et son monde intérieur, mais je l'ai poussé quand c'était le temps en essayant de trouver les bons mots. Je lui répétais les mots de la chanson de Willie Lamothe: «Pense à ta guitare, ton sourire, ta bonne humeur et ta chanson.»

«Yoan est un hypersensible avec un coeur de cristal. Il faut l'aborder avec douceur. Mon rôle était de me mettre entre la réalité et lui.», ajoute-elle.

Comme coach, Isabelle était plus «protectrice» que «compétitive». «Je voulais honorer son talent. [...] Comme une mère louve, je m'assurais que la lumière revienne dans son regard quand ça allait moins bien. Yoan est quelqu'un de tellement noble!»

Avec sa collection de Félix d'interprète féminine de l'année (issus du vote populaire), qui de mieux qu'Isabelle Boulay pour conseiller Yoan par rapport à l'affection débordante du public? La rouquine n'est pas inquiète.

«Yoan n'est pas racoleur. Il est reconnaissant, posé... Il a déjà l'intelligence du métier. Il est capable de prendre la bonne perspective. Il a du respect pour les gens qui l'aiment et ceux qui ne sont pas d'accord avec sa victoire.»

Sur Twitter, beaucoup d'internautes ont remis en question son sacre populaire et ont lancé des blagues sur sa timidité. Louis Morissette a souhaité bonne chance à sa femme Véronique Cloutier, qui recevait Yoan en entrevue à la radio, hier. «Faut que tu fasses 30 minutes d'entrevue avec demain. Tu vas parler beaucoup...»

Heureusement, Yoan Garneau n'est pas à la remorque des réseaux sociaux. Facebook et Twitter, très peu pour lui. Même la radio. «Je ne suis pas un gars de médias et de virtuel», dit-il.

En attendant son album

Yoan avait pratiquement oublié que le gagnant de La voix remportait une bourse de 50 000$ et la production d'un album.

«J'ai hâte de pouvoir montrer qui je suis réellement, dit-il. Ce que j'ai fait à La voix, c'est une chose. Ce que je fais dans la vie, c'en est une autre. On m'a imposé certaines choses. Quand tu fais un duel, ce n'est pas toi qui choisis la chanson. [...] On m'associe au country, mais j'aime beaucoup le blues et Muddy Waters», ajoute celui qui cite CCR, Isabelle Boulay, Johnny Cash, Steve Hill, Tony Joe White et Bob Dylan parmi ses influences et ses modèles.

Avant La voix, Yoan Garneau avait très peu chanté en français. «On m'a initié à ça. Je ne l'ai pas fait avec tant d'aisance, mais je suis content de l'avoir fait. Stéphane Laporte a souligné un point intéressant: en anglais, c'est plus facile pour moi de me livrer.»

Son premier album sera bilingue. Chantera-t-il en duo avec son père Sylvain Garneau?

Trop tôt pour le dire. L'automne dernier, Yoan Garneau travaillait toujours à l'épicerie de ses parents dans l'espoir d'amasser des sous pour produire un extrait. Il désirait donner suite à sa rencontre avec la productrice de Nashville Kim Copeland, qui a manifesté son intérêt à travailler avec lui lors d'un pèlerinage musical dans le Tennessee.

Les plans de Yoan Garneau viennent de changer à la vitesse grand V.

«Merci la vie!», lance-t-il.