Tu jouais du métal dans les années 80? Tu as encore des super photos de toi avec des cheveux longs, des jeans serrés et des espadrilles blanches? Quelqu'un te cherche...

C'est bien connu: le Québec est un château fort du heavy metal. Les groupes de «metalleux» qui viennent jouer ici n'en reviennent pas. Les salles sont pleines et les amateurs, particulièrement loyaux.

Mais que sait-on du métal québécois, comme genre en soi? À dire vrai, pas tant que ça. Même si certains de nos groupes «heavy», Voivod en tête, ont rayonné aux 666 coins de la planète rock, l'histoire de cette scène bruyante et chevelue reste encore méconnue.

C'est pour combler ce vide - non pas sidéral, mais sidérurgique - que le journaliste Félix B. Desfossés a voulu écrire un livre sur les débuts du métal québécois, de 1964 à 1989.

Le bouquin, qui sera intitulé L'évolution du métal québécois: no speed limit, ne devrait pas sortir avant l'automne prochain, aux Éditions du Quartz. Et encore, ce n'est que le tome 1. Mais si on en parle aujourd'hui, c'est que l'auteur vient de lancer une page Facebook dans l'espoir de compléter son ouvrage, qui doit mettre sous presse au mois de mai.

«Mes textes sont à peu près terminés, explique Desfossés. Mais je ne veux oublier personne. Facebook va me permettre de trouver ceux qui manquent. Je vais pouvoir sonder la communauté métal et leur demander des archives ou des souvenirs.»

Ce n'est pas le matériel qui manque, remarquez. En cinq ans de travail, Félix Desfossés a amassé une tonne de photos et de témoignages. Il a interviewé les groupes cruciaux de cette période, comme Voivod, Obliveon ou Gorguts, de même que des formations plus marginales comme Soothsayer, Voor ou Damnation.

Mais il aimerait aussi découvrir des groupes plus obscurs, qui n'ont fait qu'un démo, un disque ou une cassette. Ou encore prendre contact avec des gens qui gravitaient autour de la scène dans les années 80.

«En ce moment, je cherche des photos du bar la Moustache, à Montréal, dit-il. Il y a sûrement quelqu'un qui a ça...»

Les racines du genre

Ancien membre de l'émission Bande à part, toujours employé à Radio-Canada, Félix Desfossés ne se décrit pas spécialement comme un amateur de métal.

Mais il était important, selon lui, de donner la parole aux pionniers de cette scène, qui occupe une place importante dans l'imaginaire rock québécois. «C'est une histoire qui n'a jamais été écrite, dit-il. Elle a des ramifications jusque dans la musique alternative d'aujourd'hui.»

Dans son livre, l'auteur fait remonter les racines du genre jusqu'aux groupes «fuzz» des années 60. Il cite les Sinners et surtout les Monstres, qui arrivaient sur scène déguisés comme Frankenstein et la Momie.

Dans les années 70, des groupes de hard rock comme Offenbach, Sex, Elison, Aut'Chose ou Morse Code («les premiers à chanter sur Satan») imposent un son plus «heavy», à saveur progressive, qui annonce l'arrivée prochaine du heavy metal.

Mais le vrai pionnier sera D.D.T., un groupe de Magog fondé en 1979. «Ils ont été les premiers avec une véritable intention métal. Ils étaient conscients de ce qu'ils faisaient», explique Felix B. Desfossés.

Il faut attendre le milieu des années 80, toutefois, pour que le métal québécois explose pour de bon.

Voivod brise la glace en 1982 en signant avec un label américain. Le groupe de Jonquière s'impose tout de suite comme un modèle d'agression sauvage, allant jusqu'à influencer Metallica. Suivront, dans le désordre, des formations comme Sword, DBC (Dead Brain Cells), Obliveon et Gorguts, qui auront tous un certain rayonnement à l'extérieur du Québec. Puis, à une moindre échelle, des formations comme Damnation, Soothsayer ou Yog Sothots.

D'autres groupes, encore plus underground, apparaîtront dans la mouvance. Mais on a oublié jusqu'à leurs noms. Ce sont eux que Félix B. Desfossés recherche aujourd'hui.

Alors, écoutez bien. Si vous avez joué du métal dans les années 80. Porté les cheveux longs, des jeans ultra-serrés, des espadrilles blanches et un t-shirt écrit «Evil Vomit» ou «Kâross Atross», faites-lui signe. Contrairement à pas mal de gens, il sera content de vous écouter.

Oubliés? Ça dépend par qui

Vous avez une vieille cassette de Yog Sothots et ne savez pas quoi en faire? Ne la jetez surtout pas! Elle pourrait vous rapporter de l'argent.

Au fil de ses recherches, Félix B. Desfossés a réalisé avec stupeur que le vieux métal québécois avait la cote sur le marché des collectionneurs. Cassettes, albums, 45 tours: peu importe le format, la demande est là.

«Il y a tout un réseau, c'est débile. Il y a des «démos» qui se vendent à des prix de fous», dit-il.

Le journaliste nous apprend qu'il a dû payer 80$ pour mettre la main sur le premier «démo» d'Obliveon. Que des cassettes des Yog Sothots se vendent jusqu'à 200$ et que le 45-tours The Curse, du groupe Stormbringer, s'est récemment vendu 700$. Excusez du peu.

Cet intérêt, venu de l'étranger, a également provoqué une vague de rééditions. Le groupe D.D.T. vient d'être réédité sur un label grec (No Remorse) alors que les vieux albums de Soothsayer, Voor, Damnation et Yog Sothots ont été exhumés par l'étiquette américaine Nuclear War Now.

Avec tout ça, pas étonnant que certains de ces groupes aient repris du service. C'est le cas de Damnation et de Soothsayer, qui se sont récemment reformés.

«Il y a eu une grosse période de vaches maigres, conclut Félix B. Desfossés. Mais ils voient le buzz. Et ils veulent revenir.»

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