Grand animateur de la radio publique dans l'Hexagone, ardent défenseur de la chanson francophone et créateur des Francofolies de La Rochelle, auxquelles celles de Montréal furent longtemps liées, Jean-Louis Foulquier s'est éteint mardi à l'âge de 70 ans. Il était atteint d'un cancer.

Aujourd'hui éditrice de nombreux artistes de la chanson et des variétés, Danièle Molko fut cofondatrice du festival rochelais, elle en fut la directrice du développement et, surtout, bras droit de Jean-Louis Foulquier dont elle connaît précisément la trajectoire. Jointe à Paris, elle témoigne d'une longue et intense relation avec le disparu.

«Jean-Louis a vécu sa jeunesse à La Rochelle où il est né. Il était un adolescent un peu compliqué. La chanson et la radio l'ont mis dans le droit chemin», amorce-t-elle.

À 22 ans, nous rappelle un profil biographique d'AFP, le jeune homme rêvait d'une carrière de chanteur. Transplanté à Paris, il s'est trouvé un poste de standardiste de nuit à la Maison de la radio, tout en tentant sa chance dans les cabarets. Un patron de la radio l'a alors repéré et mis à l'antenne.

«Il avait une voix hors du commun, reconnaissable entre toutes. Un grain! Il eut cette chance incroyable d'animer Studio de nuit, qui devint une émission culte pour ma génération et celle qui l'a suivie. Jean-Louis s'était alors installé dans un studio de Radio France, il y recevait tous ceux dont personne ne voulait et qu'on n'avait jamais écoutés avant - Laurent Voulzy, Alain Souchon, Jean Guidoni, Michel Jonasz, Véronique Sanson et plusieurs autres qui, à l'époque, représentaient la nouvelle chanson française.

«Dans ce studio, il y avait un piano et une guitare, les artistes venaient en jouer et chanter. D'autres s'y asseyaient pour vivre l'événement. Brassens s'y était même présenté sans vouloir passer à l'antenne! À l'époque, j'étais réalisatrice à Radio France au petit matin, et j'arrivais encore plus tôt afin d'assister à l'émission de Jean-Louis.»

Star de la radio

Devenu star de la radio publique, Foulquier fut tour à tour animateur de Saltimbanques, Bain de minuit, Comme on fait sa nuit, on se couche, Y'a d'la chanson dans l'air, Pollen, Les copains d'abord et TTC/Tous Talents Confondus. Après quatre décennies de services, France Inter le remerciait en 2008.

Parallèlement à sa vie d'homme de radio, Jean-Louis Foulquier créa les Francofolies de La Rochelle.

«Venu au Québec, raconte Danièle Molko, il avait réalisé l'envergure de vos festivals. Vous qui n'étiez alors que six millions de francophones, vous arriviez à obtenir de tels succès pendant que d'aucuns annonçaient chez nous la mort de la chanson française. Il y avait pourtant Les Rita Mitsouko, Hubert-Félix Thiéfaine, Alain Bashung, Diane Dufresne, les autres mentionnés précédemment et plus encore.

«Jean-Louis eut alors le rêve de créer les Francos dans sa ville natale. Il voulait montrer que la chanson l'avait sauvé et qu'il fallait lui donner ses lettres de noblesse comme on l'avait fait pour le théâtre à Avignon. À l'époque, les festivals de musique n'étaient pas présentés au coeur des villes, ça se passait dans des champs, c'était un peu dans la boue et la poussière... Seuls les festivals plus intellectuels avaient le droit d'être dans la cité.

«Nous avons alors utilisé les tours de La Rochelle, ses remparts et la mer comme un écrin pour la chanson française. Nous voulions montrer que les chanteurs francophones étaient aussi capables de rendre les choses belles. C'était le défi que Jean-Louis s'était donné et qu'il a relevé à une époque où personne n'y croyait. Ce fut notre croisade.»

La retraite

Pendant 20 ans, Foulquier fut à la barre des Francos de La Rochelle et favorisa l'expansion du concept sur d'autres territoires propices à l'expression francophone. Ainsi, en 1989, les FrancoFolies de Montréal furent fondées par Alain Simard et Guy Latraverse en partenariat avec Foulquier et le festival originel. Relation qui s'est rompue depuis lors, Montréal ayant acquis son indépendance au fil du temps. D'autres expériences francofolles furent menées à Spa, en Belgique (depuis 1994), sans compter les tentatives en Bulgarie, en Argentine, au Chili, en Allemagne et en Suisse.

En 2004, le créateur des Francos tirait sa révérence, vendait sa structure de production à Gérard Pont, producteur d'images qui fut intégré à l'équipe du festival rochelais pendant une dizaine d'années avant le rachat de la structure productrice des Francos - pour les captations télé, vidéo, etc.

Foulquier s'installa sur l'île de Ré, puis à quelques kilomètres de La Rochelle où il avait son atelier de peinture.

Couple de travail

Inutile de souligner que l'homme entretenait d'intenses relations avec ses collaborateurs, Danièle Molko en sait quelque chose.

«Lorsque je suis partie en 1999 parce que j'avais envie de rentrer à Paris, ce fut un vrai divorce. Il était un passionné, un passionnel! Nous nous étions tant aimés, nous avions un enfant en commun (le festival), nous formions un couple de travail. Et nous avons vécu des aventures absolument hallucinantes! Après mon départ, Jean-Louis a vécu une relation semblable avec Didier Varrod, qui a assumé la direction artistique des Francos jusqu'à leur rachat.»

Vivre pleinement

Foulquier a publié en outre Au large de la nuit, ouvrage autobiographique d'un homme ayant vécu pleinement sa vie jusqu'à la fin. Il a lui-même chanté, notamment un texte charmant d'Allain Leprest: Tout ce qui est dégueulasse porte un joli nom!

«Il fut un bon vivant, aussi un repenti qui, de temps en temps... On m'appelait alors le légionnaire, car il me fallait le retrouver, mais... Sauf quelques parenthèses, il avait réglé ses problèmes d'alcool au quotidien. Avec lui, 359 jours par an étaient extraordinaires.»

Après des années de rupture professionnelle, Foulquier et Molko se sont revus. De plus en plus.

«Nous nous étions rapprochés. Nous avions d'ailleurs réglé beaucoup de choses, car je n'aurais pas supporté de le laisser partir sans l'avoir fait. Je devais aller le voir mercredi prochain. Depuis hier, la vie est plus difficile...»