Carla Bruni n'avait surtout pas disparu de l'écran radar des Français ces dernières années. Mais il est vrai qu'à l'exception de quelques concerts-bénéfice, elle s'était éclipsée de la scène après la sortie de son tout premier album, y compris pendant le mandat de son président de mari Nicolas Sarkozy.

Il y avait donc une effervescence peu commune au deuxième de ses trois concerts au Casino de Paris, samedi dernier. Après quelques représentations en région, l'ex-première dame faisait enfin son véritable retour dans la capitale. Et puis, la veille, Nicolas Sarkozy n'y était pas passé inaperçu et tous se demandaient s'il passerait ce samedi soir en compagnie des fans de sa femme.

Comme de fait, voilà l'ex-président qui fait son entrée au Casino peu avant 20 h. Partout, au balcon comme au parterre, les spectateurs se lèvent illico et l'applaudissent chaudement en scandant: «Nicolas! Nicolas!» L'homme signale de la main qu'il n'en demande pas tant, puis se fraie un chemin parmi ses admirateurs et va prendre place à l'arrière du parterre.

Une meute de fans s'y précipite pour prendre des photos et obtenir son autographe.

Ailleurs dans la salle, des spectateurs crient: «Reviens, Nicolas!», un appel pas très étonnant compte tenu des scores faméliques du président socialiste François Hollande dans les plus récents sondages. Les dissidents - «C'est pas un concert, c'est un meeting politique!», nous dira une spectatrice - sont nettement minoritaires.

Dans la loge à notre gauche, on reconnaît Marisa Borini, la maman de Carla, que l'on peut voir justement ces jours-ci à Paris dans Un château en Italie, de sa réalisatrice de fille Valeria Bruni Tedeschi. Pas de Carla dans ce film aux couleurs autobiographiques, mais un frère fauché par le sida, comme dans la vraie vie. Ce frère auquel Carla dédiera ce soir sa chanson Salut marin, comme elle chantera Darling en mémoire de son grand ami François Baudot, qui a mis fin à ses jours il y a trois ans.

Un climat feutré

Après une vingtaine de minutes d'agitation, le vrai spectacle peut enfin commencer. Le pianiste David Lewis et le guitariste Taofik Farah prennent place sur scène alors que la silhouette de la chanteuse aux jambes interminables se profile derrière un rideau. Elle se met à chanter Déranger les pierres, puis va rejoindre ses musiciens, très élégante dans sa veste rouge et son pantalon de cuir noir.

Carla Bruni installe rapidement un climat feutré, voire intimiste. Heureusement, on n'est pas dans un aréna, mais au Casino de Paris dont le parterre a retrouvé ses bancs rouges retirés la semaine précédente pour le spectacle rock de Vanessa Paradis. À l'occasion, la chanteuse empoigne sa guitare et s'accompagne en sifflant, notamment pendant Le plus beau du quartier, une chanson première période.

Entre les chansons, l'ex-mannequin se raconte un peu. Elle fait allusion à 1974 quand la petite fille qui ne parlait qu'italien est arrivée en France avec sa famille, menacée par les Brigades rouges, puis elle emprunte à Trenet sa Douce France devenue, en italien, Dolce Francia. Dans la salle, on entend des bravos.

Carla Bruni assure, sa voix est juste et ne manque pas de charme. Si elle jette parfois un coup d'oeil sur les textes de ses chansons sur le lutrin devant, elle n'en laisse rien paraître.

Les musiques de ses chansons d'amour ont un parfum de nostalgie, mais il y a également dans son répertoire des chansons fantaisistes, amusantes, qui rendent l'offre plus variée. Dont Le toi du moi et La dernière minute, au débit tellement rapide qu'elle en perd pied l'espace d'un instant. Un accident mineur, à peine remarqué, attribuable à l'émotion, dira-t-elle.

La chanteuse fait aussi quelques clins d'oeil à son ancienne fonction et pousse l'audace jusqu'à reprendre Si la photo est bonne de Barbara où il est question de «mon mari, le président, qui m'aime bien, qui m'aime tant». Le public jubile, et manifeste bruyamment son approbation quand, citant Barbara, elle chante «pour l'avenir de la France contre la délinquance».

Ce public reconnaît également dans sa chanson Mon Raymond, «sur un garçon au drôle de prénom un peu démodé», une allusion à peine voilée au mari vedette, tant et si bien qu'à la fin, un spectateur enthousiaste criera: «Reviens, Raymond!» Peu après, les mêmes spectateurs se marrent quand Carla, taquine, précise qu'elle n'a rien contre les pingouins avant de chanter la chanson Le pingouin, dans laquelle plusieurs ont reconnu François Hollande.

Après une heure et demie d'un récital bien équilibré, elle tire sa révérence au son des «Carla! Carla!». Son mari retraite vers les coulisses tout en signant quelques autographes. La campagne présidentielle de 2017 seraitelle déjà commencée?

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Carla Bruni se produira à la salle Wilfrid-Pelletier, le 22 avril 2014.