«Le répertoire.» Jack Nicholson n'avait pas besoin d'en dire davantage. Le célèbre acteur, qui assistait à un spectacle des Eagles à Los Angeles, était tout simplement euphorique ce soir-là, témoigne son compagnon de concert Jackson Browne dans le coffret DVD History of The Eagles.

Que la majeure partie dudit répertoire, celle en tout cas que voudront entendre les spectateurs au Centre Bell lundi, ait été écrite à peu près en huit ans est impressionnant. D'ailleurs, le Greatest Hits 1971-1975 des Eagles a été l'album le mieux vendu du XXe siècle même s'il ne comprend aucun titre de leur meilleur disque, Hotel California, paru en 1976.

À l'époque, le chanteur et batteur Don Henley disait carrément que ça ne durerait pas. Pas parce qu'il y avait de la dissension dans le groupe - il y en a toujours eu, y compris avec leur premier réalisateur Glyn Johns et le patron de leur compagnie de disques, David Geffen -, mais parce qu'un groupe qui durait des décennies, ça ne s'était jamais vu.

D'ailleurs, les Eagles se sont séparés en 1980 après huit ans d'une carrière glorieuse minée par la dope et les chicanes internes, ce qui leur avaient coupé l'inspiration. Une rupture que le chanteur et guitariste Glenn Frey a qualifiée d'horrible soulagement.

Ce que Don Henley n'avait pas prévu, c'est qu'à leur retour 14 ans plus tard, les Eagles seraient plus populaires que jamais. Là où ils se produisaient dans des arénas jadis, ils faisaient désormais des stades bondés.

Peu productifs

Paradoxalement, les Eagles n'ont jamais été aussi peu productifs. Depuis 1994, ils n'ont lancé qu'une poignée de nouvelles chansons avant la sortie de l'album double Long Road Out of Eden, en 2007.

Montréal les a revus deux fois, au Centre Molson/Bell. D'abord le 28 juin 1996 dans le cadre de la tournée des retrouvailles qui, à leur grand étonnement, a duré près de trois ans. Les Eagles et leur imprésario Irving Azoff avaient eu le génie de relancer la machine en empruntant une recette d'Eric Clapton: une émission spéciale sur MTV dont la locomotive serait une version unplugged d'Hotel California, comme EC l'avait fait avec sa Layla.

Ces deux chansons ont en commun des solos de guitare électrique épiques qui ont marqué l'histoire du rock. Quand les Eagles ont lancé leur concert montréalais de 1996 par leur Hotel California dégriffée, je n'étais sans doute pas le seul à regretter qu'ils ne nous servent pas la vraie version en rappel.

La dernière fois qu'on les a vus, en mars 2005, ils avaient intitulé leur tournée Farewell I. On ne pourra pas les accuser de manquer d'humour.

Les portes tournantes

Les Eagles incarnent mieux que quiconque la Californie des années 70. Leur musique à base de country-rock est devenue omniprésente dès l'instant où le Texan Don Henley et son complice Glenn Frey, du Michigan, ont quitté le groupe de la chanteuse Linda Ronstadt pour voler de leurs propres ailes (s'cusez-la).

Ils ont tour à tour fait équipe avec le guitariste Bernie Leadon, le bassiste Randy Meisner, le guitariste Don Felder qu'ils ont viré dans les années 2000 même s'il était à l'origine d'Hotel California, le guitariste Joe Walsh, roi de tous les excès et diplômé de l'école Keith Moon en saccage de chambres d'hôtel, et le bassiste Timothy B. Schmit, à la voix haut perchée.

Leur secret

Le secret de leur longévité? Outre les chansons magnifiquement écrites par Henley et Frey auxquelles faisait allusion Jack Nicholson, il faut parler des harmonies vocales de ces deux messieurs et de leurs acolytes Walsh et Schmit qui illumineraient la plus banale des chansons. À ce propos, les Eagles ont toujours été des maîtres.

Avant de les applaudir lundi, les spectateurs verront à l'oeuvre le groupe de blues et de rock classique JD&The Straight Shot. Son leader, James Dolan, 57 ans, est le grand patron d'un empire des médias et du divertissement qui comprend notamment le Madison Square Garden, les Rangers de la LNH et les Knicks de la NBA, Cablevision et AMC. Dolan est également le directeur de Live Nation, le géant des tournées rock. En voilà un pour qui la musique est vraiment un passe-temps.

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EAGLES, au Centre Bell, le 4 novembre. En première partie, à 18 h 45, JD and the Straight Shot.

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HISTORY OF THE EAGLES, une musicographie qui tient sur deux DVD avec en prime un troisième disque témoin d'un concert de la tournée Hotel California en 1977.