Sensation de l'automne trop vite comparée à Lana del Rey, la Néo-Zélandaise Lorde excelle à décrire le blues adolescent, à l'opposé des modèles idéaux fabriqués par les usines à popstars américaines.

Son premier succès, Royals, l'a propulsée en tête des ventes aux États-Unis à seulement 16 ans, du jamais vu en 25 ans et pas loin du record établi par Stevie Wonder à l'âge de 13 ans.

L'histoire de la jeune fille, née dans la banlieue d'Auckland, qui publie lundi en France son premier album, Pure Heroine, débute d'ailleurs comme celle de tant d'autres idoles adolescentes.

Ella Yelich-O'Connor, fille d'un ingénieur et d'une poétesse, est repérée à 12 ans dans un concours de talents local par un agent d'Universal qui lui fait aussitôt signer un contrat.

Trois ans plus tard, et après des essais avec différents compositeurs, elle commence à publier ses premiers titres, qui connaissent un rapide succès sur sa terre natale avant de traverser les océans.

Mais Royals est d'un autre calibre que les succès de Justin Bieber, Selena Gomez ou Miley Cyrus.

Lorde y évoque justement le rêve bling-bling vendu aux adolescents par ces popstars, les rappeurs et les séries comme Gossip Girl, avec un subtil mélange de fascination et de rejet.

«Comme tout le monde autour de moi, une partie de moi-même veut s'immerger dans ce monde, mais en même temps une autre part de moi-même est dégoûtée par ça», explique Lorde à l'AFP.

«Ce qu'on nous raconte dans ces séries, ces chansons, est à la fois extravagant et vide de sens. Cela n'a rien à voir avec la vraie vie et ça crée chez moi un sentiment d'attraction-répulsion», ajoute-t-elle.

Sur plusieurs chansons de Pure Heroine, elle décrit sa célébrité naissante avec les mêmes sentiments ambigus, dans un étonnant jeu de miroirs.

«C'est très étrange. Ca va avec le fait de faire ce que j'aime, mais je suis quelqu'un d'assez réservé, c'est parfois un défi pour moi de me retrouver là», confie-t-elle.

Romantico-gothique

Lorde est d'ailleurs longtemps restée dans l'ombre, publiant ses premiers morceaux sur internet sans montrer son visage, citant en exemple les musiciens électro qu'elle affectionne comme l'Anglais Burial.

Sa musique, largement façonnée par son coéquipier Joel Little, puise dans les rythmes froids du dubstep (forme de musique électronique) ainsi que dans le hip-hop, dont elle est fan.

Cet univers musical, sa voix grave et traînante et sa maturité ont conduit une partie de la presse à la comparer à la femme fatale Lana del Rey.

Les rares photos et clips promotionnels accompagnant la sortie de Pure Heroine montrent une jeune fille sophistiquée à l'univers romantico-gothique, longue crinière auburn et yeux de chat verts.

Mais dans la vie, Lorde ressemble davantage à une adolescente encore mal dans sa peau, se baladant en grosses baskets, jeans et t-shirts informes.

Son talent réside justement dans sa capacité à décrire avec finesse cet âge incertain: les rivalités de lycée, l'esprit de bande, l'impression d'être incompris.

«Les mots, c'est ce qu'il y a de plus important. L'écriture d'une chanson consiste à construire autour de ça», souligne la jeune fille, admiratrice de l'écrivain Raymond Carver.

«Je parle de ma vie, de l'ennui et de la solitude, des rapport aux autres bizarres qui vont avec l'adolescence», ajoute-t-elle.

«J'écris beaucoup sur la vie de banlieue en Nouvelle-Zélande, un endroit tranquille, encore isolé à bien des égards, et des sentiments qui en naissent. Comme, je crois, le fait de vouloir faire quelque chose de sa vie», explique Lorde.

«Ce n'est pas comme si nous vivions à New York et avions tout à portée de main», dit-elle, une pointe d'envie dans la voix.