Dans son poème Les petites villes, Anne Hébert écrivait: «L'écho du silence est lourd/Plus lourd/Qu'aucune parole de menace ou d'amour.» Lynda Lemay chante précisément pour ça: pour percer les silences qui camouflent nos peines et mettre des mots sur ce non-dit qui l'indispose.

«Je suis très empathique de nature», précise Lynda Lemay. Dans une soirée où tout le monde s'amuse, elle remarquera la seule personne qui n'a pas le coeur à la fête. «J'ai un désir d'aller vers cette personne-là et de lui dire: parlons-en, raconte-t-elle. Le silence, je trouve ça lourd.»

Son plus récent disque, Feutres et pastels, poursuit donc dans la foulée des précédents et dit tout, tout cru. Des 17 chansons du disque, on en scrute quatre en compagnie de l'auteure-compositrice-interprète.

Doux doux le méchant loup

L'infidélité fait partie des thèmes fétiches de Lynda Lemay (Les souliers verts, ça vous sonne une cloche?). «Peut-être que l'infidélité me préoccupe parce que l'hypocrisie m'énerve», songe la chanteuse, qui se dit souvent témoin d'infidélités. La fidélité est une valeur qui compte pour cette femme élevée par un père et une mère toujours unis après 50 ans de mariage. «Je suis conservatrice aussi. Je suis fidèle en amitié, en amour, aux endroits que j'aime», détaille-t-elle. Fidèle aussi à ses collaborateurs: son guitariste et son sonorisateur la suivent depuis plus de 20 ans. "Ça me sécurise, j'imagine.»

Cagoule

Rien d'autobiographique, puisque Cagoule raconte l'histoire d'une femme noire confinée à travailler dans une blanchisserie. Lynda Lemay dit l'avoir écrite après qu'une connaissance lui eut raconté qu'elle ne se sentait plus la bienvenue dans certains établissements de Montréal depuis qu'elle fréquentait un homme noir. «Je pensais que ça n'existait plus», lance la chanteuse, estomaquée. Cagoule est une chanson sur l'exclusion, en somme, un thème d'actualité avec la Charte des valeurs québécoises. «Moi, dans ma tête, je me dis: c'est vrai, quand on va dans un autre pays, commence-t-elle avant de se raviser. Je ne m'avancerai pas là-dessus. Je ne suis pas rendue au bout de mes réflexions.»

Au ciel ou à la vie

«J'ai la foi en lambeaux, pourtant je prie toujours», chante Lynda Lemay, dans cette chanson qui dit les tourments d'une mère accrochée au souvenir d'un enfant disparu. Écrire «prier», c'est un peu l'équivalent de «souhaiter» pour la parolière. Elle admet néanmoins être demeurée «croyante» après son enfance à l'eau bénite. «Je me fais ma religion à moi, précise-t-elle, cependant. Le ciel, pour moi, c'est la bonté universelle: tous ces gens qui sont charitables, généreux, compréhensifs et ne se réjouissent pas de voir les autres avoir mal.»

Attendre son pays

Écrite dans l'enthousiasme pendant le printemps érable, Attendre son pays évoque l'indépendance... et surtout le piétinement de ce projet politique. «C'est un peu comme attendre le Messie», chante-t-elle, avant d'évoquer son inquiétude devant l'apparente désaffection des jeunes pour cette idée. «Ça prendrait quelqu'un qui saurait parler au peuple québécois, comme notre cher René [Lévesque]», regrette-t-elle. Lynda Lemay ne veut toutefois surtout pas passer pour une artiste engagée. Elle ne se sent pas assez ferrée pour les débats d'idées. Ce n'est pas non plus dans son karma: «J'ai beaucoup trop besoin d'être aimée pour faire de la politique.»

> Feutres et pastels en magasin mardi.