Coeur de pirate a «un truc», Lynda Lemay est drôle, Céline Dion s'est «gommé» des attributs français et Ariane Moffatt a un urgent besoin d'un conseiller en «look».

Tels sont quelques-uns des constats et conseils entendus vendredi au «Rendez-vous de l'ADISQ» du 35e Festival de la chanson de Granby, où sept spécialistes européens de la musique ont exprimé leurs vues sur les meilleures façons pour les chanteurs d'ici de percer en Europe.

«Il faut coucher», a lancé d'emblée Charles Gardier, fondateur des FrancoFolies de Spa, en Belgique, qui viennent de célébrer leurs 20 ans. La boutade n'est pas dénuée de vérité, mais, comme ailleurs dans les entreprises humaines, il y a des chemins... moins fréquentés. «Si je connaissais la recette, dit un Charles Gardier plus sérieux, je la garderais pour moi et je ferais fortune!»

Rencontrer la bonne personne, capter la bonne oreille, être au bon endroit au bon moment, humer l'air du temps... L'heureux mélange de chance et d'intelligence stratégique est fait de tout ça, mais l'élément déclencheur est difficile à identifier. Une chanson fait flasher un programmateur radio, un journaliste curieux découvre une voix nouvelle, un producteur s'enflamme pour un personnage scénique, comme il est arrivé à Sébastien Zamora avec Klô Pelgag, finaliste à Granby en 2011, une chanteuse au style unique, à la fois «provocante et absurde».

Élodie Suigo ne fume pas, ne boit pas de café et, pour éviter tout malentendu, précise qu'elle ne couche pas. Entre autres raisons parce qu'elle n'a pas le temps: la star média du panel de vendredi écoute des chansons, 280 CD en moyenne pour faire tourner dix pièces à l'antenne de France Bleu, une des chaînes de la radio publique française. «Je ne suis pas sensible à l'image. Nous sommes pollués par les images d'artistes. Moi, mon travail commence quand j'ai le CD dans la main...» Qu'elle écoute systématiquement même si la pochette n'est pas "sexy", comme celle d'Alexandre Poulin.

Reste que l'image est importante pour les Européens, les Français surtout. Et quand Ariane Moffatt se présente devant la presse en survêtement, ça ne passe pas, souligne Serge Beyer, directeur de la revue Longueur d'ondes. D'aucuns attribuent à un «sérieux problème de communication» le fait que la carrière française d'Ariane Moffatt a levé «comme un soufflé puis est retombée».

Coeur de pirate, elle, a passé comme une balle! Convergence parfaite, explique encore Serge Beyer. «Universal France a déployé ses gros moyens et les jeunes Français se sont identifiés à cette petite fille qui assume sa sexualité et ses tatouages.» Et Coeur de pirate chante comme n'importe quelle Française avec un filet de voix... «Si on ne l'entendait pas parler, on ne saurait jamais qu'elle est québécoise.»