Savages, groupe londonien formé de quatre jeunes femmes, a donné un sacré coup avec son album Silence Yourself, paru en mai dernier. Inspiré par le son dépouillé du post-punk, le quatuor mêle attaques brutes et paroles ambiguës dans un rock sur lequel plane le fantôme de Siouxsie&The Banshees. 

«L'important, ce n'est pas de faire du rock'n'roll, c'est de l'utiliser comme médium pour dire quelque chose sur notre temps», affirme la chanteuse Jehnny Beth, qui, comme son nom de scène ne l'indique pas, est Française.

Notre journaliste Alexandre Vigneault fait son portrait en cinq mots.

Londres

Savages a été formé à Londres en 2011 à l'instigation de la guitariste Gemma Thompson. Elle a recruté Jehnny Beth au chant, puis Ayse Hassan à la basse et Fay Milton à la batterie. Jehnny Beth, née en France sous le nom de Camille Berthomier, a toujours été attirée par Londres et sa scène musicale. Elle s'y est installée en 2006 avec Johnny Hostile (né NicolasCongé), qui a réalisé l'album de Savages et avec lequel elle a fondé le label Pop Noire (sur lequel on retrouve aussi Lescop). « Je suis partie avec lui alors qu'on avait notre projet John&Jehn, raconte-t-elle. Ç'a été un choix de vie: changer de nom, se déraciner... »

Féminin

C'est par accident que Savages est devenu un groupe 100% féminin. Gemma Thompson, qui a joué de la guitare dans John&Jehn, a d'abord songé à Johnny Hostile comme figure de proue du groupe. Il était trop occupé. Jehnny s'est proposée. Ensuite, Ayse Hassan est arrivée. « Ce n'est qu'ensuite qu'on a décidé d'avoir une batteuse plutôt qu'un batteur », raconte la chanteuse. Savages ne se sent investi d'aucune mission particulière, contrairement aux groupes de la vague Riot Grrrl du tournant des années 90. « Ce qui compte, c'est l'énergie entre nous », précise Jehnny.

Manifeste

Geste rare dans le monde du rock, Savages a tenté de cerner son projet artistique dans un manifeste publié sur son site internet. « J'ai toujours aimé les artistes qui avaient une pensée derrière leur création », souligne Jehnny. Savages annonce vouloir user de la musique pour réveiller des choses enfouies en nous, pour reconnecter l'auditeur à son corps et à ses émotions et pour l'inciter à vivre sa vie différemment. Tout ça à travers des "manipulations positives« qui passent par le texte et le rock.

Scène

« Les morceaux n'ont pas été écrits en pensant à des enregistrements, mais à la scène. Ce qui nous intéressait, c'était l'idée de la performance, explique la rockeuse. On s'interrogeait continuellement sur les messages qu'envoyaient tels sons, sur les sensations qu'ils représentaient, sur les façons de surprendre et de faire résonner les choses un peu différemment. La musique a le pouvoir de changer les consciences, c'est fascinant. Écouter de la musique en grandissant m'a changée. Ça a eu un vrai impact sur ma conscience et sur la façon dont je prends des décisions. »

Post-punk

Le son de Savages peut être directement lié à la vague post-punk du tournant des années 80, avec Siouxsie&The Banshees, P.I.L. et The Cure notamment. Le groupe ne s'est toutefois pas créé autour d'envies sonores. « Gemma lisait J.G. Ballard, Philip K. Dick, un tas d'écrivains de science-fiction; elle s'intéressait à l'idée de la dévolution. Je trouvais ça hyper intéressant parce que je faisais des recherches sur un thème similaire, explique Jehnny. On a entendu ces références aux années 80 et à la fin des années 70. C'est bien, j'ai écouté moi aussi ces groupes en grandissant. Mais il y a autre chose dans Savage, plus d'extrêmes: du hardcore, du son un peu métal peut-être. Et des ambiances inspirées par la musique concrète. »

Savages, le 15 juillet, 20h30, à La Tulipe.