Elton John a comparé 2Cellos à Jimi Hendrix, leur a fait faire le tour du monde et est devenu leur imprésario. Plus encore, des pointures comme Steve Vai et Lang Lang s'invitent sur le deuxième album de ces deux jeunes violoncellistes croates convertis au rock and roll. Montréal fera leur connaissance ce soir au Corona.

Il y a un peu plus de deux ans, les violoncellistes croates Stjepan Hauser et Luka Sulic ont mis en ligne un clip dans lequel ils jouent une version endiablée de Smooth Criminal, de Michael Jackson. L'instant d'après, le label classique Sony Masterworks leur tendait un contrat de disques, et Elton John leur proposait de partir en tournée avec lui et de s'occuper de leur carrière.

Le duo 2Cellos vient de lancer un deuxième album, In2ition, dans lequel Hauser et Sulic reprennent du AC/DC, du Muse et du Fleetwood Mac première époque avec des invités aussi différents qu'Elton John, Steve Vai, Naya Rivera, de l'émission Glee, et le pianiste classique Lang Lang, sous la direction de Bob Ezrin, réalisateur d'Alice Cooper, Pink Floyd, Kiss et Peter Gabriel.

Dans leur Croatie natale, Hauser et Sulic n'étaient pourtant pas destinés à une carrière de rock stars. «D'habitude, en Croatie, il n'y a que les sportifs qui font une carrière internationale», rappelle Hauser au téléphone.

À l'époque, on les considérait comme des rivaux qui n'avaient pas vraiment l'occasion de jouer ensemble jusqu'à ce que leurs chemins se croisent quelques années plus tard. Hauser était parti étudier à Londres - il a également été l'élève du maître américain Bernard Greenhouse dont le violoncelle de 6 millions est aujourd'hui entre les mains du Montréalais Stéphane Tétreault -, et Sulic y débarquait après avoir parfait sa formation musicale à Vienne.

«On savait que si on unissait nos forces, ce serait super parce qu'on joue tous les deux avec tellement d'intensité, de passion et d'énergie, reprend Hauser. Quand Luka est venu faire sa maîtrise à Londres, on a passé beaucoup de temps ensemble et on a eu plein d'idées. On voulait faire quelque chose d'excitant, de fou, qui intéresserait un public plus vaste, plus jeune, à ce grand instrument qu'est le violoncelle.»

Leur rêve a vite pris des dimensions insoupçonnées. Elton John les a même comparés au jeune Jimi Hendrix qu'il avait vu au Marquee Club de Londres en 1966.

Le rock lourd

L'an dernier, Stéphane Tétreault nous disait qu'il venait de découvrir avec plaisir des groupes comme Nirvana et Queen. Qu'est-ce qui peut bien attirer de jeunes violoncellistes sortis des grandes écoles de musique vers le rock lourd?

«Le violoncelle peut se promener aussi bien dans les hautes que dans les basses, il peut sonner comme une guitare folle avec plein de distorsion ou comme le pizzicato d'une guitare acoustique, explique Hauser. On peut aussi s'en servir pour la percussion. Ses possibilités sont infinies.»

Le réalisateur Bob Ezrin, dont l'instrument préféré est le violoncelle, renchérit: «Les violoncellistes et les bassistes sont attirés par la musique puissante. Ils adorent le volume élevé et le gros bruit. Dès qu'on a ça dans le sang, c'est difficile de s'en passer.»

Les concerts de 2Cellos tiennent évidemment un peu du spectacle rock. Les deux jeunes savent de quoi il en retourne, ayant joué Californication avec les Red Hot Chili Peppers lors d'un concert en Croatie.

«On commence sur le mode classique, tout le monde est tranquille, mais à la fin, un batteur vient parfois se joindre à nous et ça vire au show rock débridé», décrit Hauser.

Pas facile

Leur orientation rock and roll n'a pas provoqué la réprobation du milieu classique, affirme Hauser. «Nos arrangements sont tellement exigeants sur le plan technique que peu de violoncellistes sont capables de les jouer. C'est même plus difficile à jouer que bon nombre de pièces classiques. Nous ne cédons pas à la facilité.»

«On a retenu la chanson Technical Difficulties [du groupe métal Racer X] pour l'album justement pour montrer ce dont ils sont capables, renchérit Bob Ezrin. Je lance le défi à n'importe quel violoncelliste de jouer ça.»

La présence de Lang Lang sur la reprise de Clocks, de Coldplay, pourrait être perçue comme une forme de caution du milieu classique envers les violoncellistes rebelles. Bob Ezrin voit les choses autrement.

«J'observais ces trois jeunes en studio, des maîtres investissant dans la pièce Clocks chaque parcelle de leur concentration et de leur créativité avec tout le sérieux dont ils sont capables. Mais dès la fin de l'enregistrement, ils sont redevenus trois jeunes qui s'amusent: Lang Lang s'est mis à jouer du violoncelle, Stjepan, du piano, ils sautillaient comme des enfants.»

Même si leur nouvelle carrière les tient occupés, Hauser et Sulic jouent encore à l'occasion avec des orchestres symphoniques. Pourraient-ils revenir à la musique classique dans un prochain album?

«Pourquoi pas? Ce serait super», répond Hauser. Puis, il ajoute: «On pourrait le faire, mais personne ne l'achèterait...»

2Cellos, au Corona, ce soir