Pour le groupe The Book of Knots, Tom Waits a déjà servi d'intermédiaire avec le label Anti qui rend publiques son répertoire depuis nombre d'années. Carla Kihlstedt, violoniste et chanteuse du groupe américain, y était pour quelque chose.

«Mon épouse a enregistré et tourné avec Tom. Lorsqu'il a collaboré à notre deuxième album, il en a beaucoup apprécié la musique et l'a chaudement recommandée à Anti», explique Matthias Bossi, batteur et aussi chanteur au sein de ce groupe américain d'avant-rock, dont les mélodies et harmonies sont ponctuées d'improvisations et de saturation doom metal.

Un troisième album a été créé depuis lors, Garden of Fainting Stars, cette fois sous étiquette Icepac Recordings. The Book of Knots se produit ce samedi au Festival international de musique actuelle de Victoriaville. Seront sur scène Carla Kihlstedt, violon et voix, Matthias Bossi, batterie et voix, Joel Hamilton et Jon Evans, guitares électriques et voix, Tony Maimone, basse et voix, Michael Jinno, claviers. Ces musiciens sont établis à Brooklyn et à Cape Cod - le couple Kihlstedt-Bossi vit au centre de la péninsule, soit dans la municipalité de Dennis.

Depuis 2004, donc, ce groupe de studio a récolté les éloges. The Book of Knots s'inscrit dans la lignée de formations telles Henry Cow, Pere Ubu, Cosa Brava, etc. Les enregistrements de la formation ont rayonné dans les milieux avisés, à tel point qu'on a fait pression sur ses membres afin qu'ils jouent enfin devant public.

«D'une certaine façon, indique Matthias Bossi, c'est notre première expérience avec ce groupe, car nous ne sommes montés qu'une seule fois sur scène en 2007, à New York, lorsque notre deuxième album fut lancé. Nous étions alors 15 musiciens sur scène pour interpréter le matériel. Or, cette fois, nous formons un sextuor où chaque membre peut chanter. C'est beaucoup plus facile de voyager ainsi.»

Pourquoi, au juste, avoir décidé de monter sur les planches?

«Nous n'avions pas joué auparavant parce qu'il s'agissait vraiment d'un groupe de studio, répond le batteur. Chaque chanson comporte des dizaines de pistes ! Or maintenant, nous avons trois albums et nous trouvons excitant d'interpréter ce répertoire imaginé au cours d'une décennie. Bien sûr, nous avons choisi les chansons qui se prêtent le mieux à la scène.»

Encore faut-il y présenter un son cohésif. Possible dès le coup d'envoi?

«Fort heureusement, répond l'interviewé, notre musique a cette souplesse permettant à ses interprètes de la transformer ici et maintenant. Il ne s'agit pas de pop rigide, nous sommes à l'aise et nous nous permettons des dissonances, de la saturation, des bruits discordants. Notre objectif n'est donc pas de recréer religieusement la matière enregistrée. Mais cela demeure un groupe rock malgré ce côté aléatoire et la complexité du langage : les structures harmoniques demeurent rock, la charpente est droite, il y a un lyrisme certain dans l'expression.»

Effectivement. Les musiciens de The Book of Knots peuvent être considérés comme les auteurs d'un chapitre entier de l'avant-rock. Qui trouve ses origines notamment dans les formations européennes du mouvement Rock in Opposition - Art Bears, Henry Cow, Slap Happy, etc. Depuis les années 70, ce mouvement s'est d'ailleurs étendu à tout l'Occident, même s'il n'a jamais conquis le grand public. Matthias Bossi corrobore.

«Pere Ubu, Sleepytime Gorilla Museum, Skeleton Key,  Cosa Brava, enfin plusieurs de ces ces groupes rejaillissent dans notre musique. Nous sommes aussi marqués par des formations doom ou doom metal dont Swans. Nous avons le sentiment de faire partie d'une même famille élargie. Qui aurait pu imaginer que des propositions aussi obliques puissent ainsi proliférer ! C'est pour nous un honneur de poursuivre cette tradition et nous présenter devant le public d'un festival aussi prestigieux que celui de Victoriaville. Sans vouloir tourner au maximum, nous serions heureux de jouer dans des festivals de même type.»

D'ici là... Comme la plupart des musiciens professionnels, ceux de The Book of Knots ont plusieurs plats sur le feu. «Pour Carla  et moi, par exemple, le projet Rabbit Rabbit est devenu une priorité. Cela consiste à lancer une nouvelle chanson chaque mois. À ce titre, nous avons un millier d'abonnés qui nous soutiennent financièrement, et ça dure depuis près de deux ans. Pendant les saisons chaudes, nous tournons à deux ou participons à d'autres projets.»

Ce week-end, en tout cas, il s'agit d'incarner The Book of Knots.

«Ce groupe campe un personnage romantique et brisé. The Book of Knots, c'est une mélodie soyeuse que fait jouer une vieux phonographe. À travers le bruit et la distorsion, un visage apparaît, un paysage peut être contemplé. Notre premier album (sans titre) était un voyage en mer. Puis Traineater évoquait l'effritement de l'économie américaine, l'écroulement de l'industrie automobile, les propriétés abandonnées dans les zones où rien ne va plus. Garden of Fainting Stars est une évocation aéronautique, un vol suggéré vers les paradis interstellaires.  À vous d'interpréter!»

Dans le cadre du Festival international de musique actuelle de Victoriaville, The Book of Knots se produit ce samedi, 20h, au Cinéma Laurier de Victoriaville. Pour infos supplémentaires: https://fimav.qc.ca