C'est à - M - qu'on a demandé de lancer officiellement les festivités du 37e Printemps de Bourges, hier soir. Choix logique: Matthieu Chedid a tout ce qu'il faut - le sens du spectacle et une musique funk-rock énergique - pour faire bouger 6500 spectateurs entassés comme des sardines sous le nouveau chapiteau du festival.

Baptisé le W - personne ne semble trop savoir pourquoi -, ce chapiteau est plus hexagonal que le Phénix auquel il succède. Il dispose également d'une scène un peu plus élevée et d'une acoustique supérieure. Mais ce n'est pas hier qu'on a pu le vérifier, la sonorisation de - M - étant aussi brouillonne que les projections derrière lui étaient floues et délavées. Mais bon, ça chauffait.

Faut dire que Féfé avait bien réchauffé la place. L'ex-Saïan Supa Crew, qu'on verra pour la première fois en solo aux Francos de Montréal, est un animateur de foule hors pair et s'il sait rapper, il chante encore davantage. Sa musique, elle, tient autant sinon plus du rock, du reggae et du rhythm and blues que du hip hop. Divertissant.

Les têtes d'affiches au W

À cause de sa capacité - outre la Palais d'Auron et ses 2400 places, les autres salles du Printemps sont plutôt intimes, disons -, c'est évidemment au W que se retrouvent toute la semaine les têtes d'affiche du Printemps, ses stars internationales. Seule exception à la règle: la prêtresse Patti Smith qui chantera à la cathédrale de Bourges, un peu comme elle l'avait fait à notre église Saint-Jean-Baptiste il y a de cela quelques années.

Le Printemps, on l'a dit, est un festival éclectique, où les genres se mélangent joyeusement. Certains mariages font sourire, mais jamais autant qu'au W qui, par exemple, accueillera jeudi la Montréalaise de naissance adoptée par la France Mélissa Laveaux et son folk-blues teinté d'influences haïtiennes, le dynamique et très doué crooner jazzy britannique Jamie Cullum, le héros hexagonal Benjamin Biolay et, en guise de dessert, le flamboyant Mika.

Ce n'est pas au W qu'on fait les découvertes les plus intéressantes. Hier soir, à une heure d'intervalle, j'ai pu voir deux des groupes français qui font le plus parler d'eux par les temps qui courent et qu'on verra en juin aux Francos: Granville et La Femme, qui en sera à sa deuxième visite à Montréal. Il se produisaient dans deux salles voisines et jumelles d'environ 300 places chacune, le 22 Est et le 22 Ouest, là même où j'avais vu RudeLuck en 1993.

Granville a lancé son premier album (Les voiles) en février dernier et le buzz est bon. Sa musique pop ludique, inspirée des chansons de plage américaines et de la pop française des années 60 est encore plus convaincante sur scène, même si la toute jeune chanteuse Mélissa Dubourg m'a paru un peu timide.

Timide, La Femme ne l'est surtout pas. Son premier véritable album (Psycho Tropical Berlin) vient de paraître et le groupe est dans tous les médias. On comprend tout quand on les voit se déchaîner sur scène, surtout le couple de chanteur-claviériste Clémence Quélennec et Sacha Got, au rythme de leurs chansons électro-surf. Irrésistible.

Granville et La Femme sont très différents l'un de l'autre, mais ce qu'ils ont en commun en dit peut-être long sur le moral de la France actuelle: un besoin viscéral que ressentent de jeunes musiciens, en rupture avec leurs prédécesseurs, de s'éclater sans trop se casser la tête, quitte à puiser dans les sonorités du passé.