«On ne cesse de nous dire que cet album est plus ensoleillé que les précédents. Les autres révélaient des ambiances plus sombres alors que celui-ci laisse clairement poindre la lumière au bout du tunnel.»

Le soleil brille sur The Bernard Lakes! Attablé dans la cuisine adjacente aux réputés studios Breakglass dont il mène les destinées, Jace Lasek résume la facture de l'album Until In Excess, Imperceptible UFO, quatrième de la formation montréalaise dont la mise en vente officielle est prévue mardi prochain sous étiquette Jagjaguwar.

Olga Goreas, multi-instrumentiste et voix soliste au même titre que son compagnon au sein du groupe, suggère à son tour une explication très personnelle de cette luminosité apparente :

«Nous avons mis plus de temps que d'ordinaire à créer cet album parce que nous avons été interrompus par le décès de mon père. Pendant cette pause inattendue, nous avons reconsidéré l'affaire sans l'avoir voulu. J'étais alors dans un état de grande vulnérabilité mais j'ai tout de même pu tirer partie de cette expérience spirituelle en tant qu'artiste. Malgré tout, j'étais en paix avec cette disparition majeure, la première de mon existence. Je fus donc capable d'en canaliser les énergies positives, ce qui explique cette lumière observée par plusieurs. La perte de mon père m'est devenue plus difficile par la suite, j'en ai réalisé toute la portée. En tout cas, ça n'a pas été facile pour Jace, qui a dû composer avec l'intensité de cette suite d'événements.»

Quelle que fusse l'impact personnel de ces bouleversements, le conjoint d'Olga croit aux acquis tangibles de The Besnard Lakes durant ce nouveau cycle de création :

«Notre évolution récente se trouve dans la subtilité des sons, dans les textures, le jeu des volumes. Dans cette opposition entre lumière et obscurité, entre laideur et beauté, entre rudesse et délicatesse. Aussi dans l'idée de crescendo que j'ai toujours aimé exploiter, et cette idée de decrescendo que nous avons introduite dans cet album. La pièce The Specter est un bon exemple en ce sens; elle commence tout en haut, puis se met à descendre la pente.»

«Pour le nouvel album, l'instrumentation a été aussi une avancée. Nous avons joué avec différentes variétés d'instrumentation, grâce à nos invités : Sarah Pagé a fait de la harpe et du dulcimer, Spencer Krug et Mike Bigelow (de Moonface) ont joué marimbas, vibraphone et xylophone. Nous avons aussi utilisé le therevox, il y a eu des cordes, etc. Tout ça nous a menés un peu plus loin.»

Olga complète l'explication:

«Nous avons partagé la voix de soliste, c'est presque 50-50 sur cet album. Mon rôle a été accru en ce sens, et je ne sais au bout du compte si ce fut accidentel ou intentionnel... Toujours du côté vocal, The Fifth String Liberation Choir a procuré une dimension gospel à certaines pièces - 46 Satires et The Specter. Ainsi, nous avons élargi notre palette de couleurs. Nous formons un groupe rock mais nous sommes aussi autre chose...»

Certainement autre chose qu'un exemple du «Montreal sound», que certains aiment coller aux groupes de la scène indépendante anglophone.

Voici d'ailleurs ce qu'en pense Jace Lasek, originaire de Saskatchewan et venu de Vancouver après y avoir vécu et fait la rencontre d'Olga Goreas, native de Colombie Britannique :

«Depuis que nous y habitons ici (l'an 2000),  nous n'avons jamais identifié un «son de Montréal». Toutefois, cette ville a ceci de particulier : on y trouve de nombreux musiciens désireux d'expérimenter, d'essayer de nouvelles choses, faire avancer les choses. Les groupes qui émergent vraiment sont ceux qui poussent en ce sens. En anglais ou en français? Côté musique, il existe au moins deux communautés linguistiques distinctes mais les choses tendent à changer; anglos et francos collaborent de plus en plus ensemble. Je me sens d'ailleurs coupable de parler si mal le français ! Je fais l'effort de l'apprendre et je m'efforce de mieux communiquer avec les musiciens francophones qui viennent enregistrer aux studios Breakglass. En tout cas, je dis à qui veut bien l'entendre que Montréal est la ville la plus intéressante d'Amérique du Nord. Malgré sa grande taille, on y a le sentiment d'appartenir à une petite communauté.»

 

Réputé pour ses réalisations de haute volée, pour ses riches sédiments de sons et harmonies vocales, pour ses flots de distorsion, pour ses fracas célestes, bref pour ce son absolument unique, le quartette poursuit sa route en défiant toutes catégories. Psychédélique?  Shoegaze? Post-rock?  Space rock? Aucune de ces réponses ou toutes à la fois.

«Notre objectif, soulève humblement Jace Lasek, est de nous distancier des artistes et styles nous ayant influencés. Enfin, nous souhaitons être un peu différents! Nous suivons le même sentier et nous essayons sans cesse d'en repousser les limites.»

L'immersion totale résume le mieux le fondement artistique de The Besnard Lakes, qui s'apprête à reprendre la route pour plusieurs mois, aux quatre coins du monde.

«Bien au-delà de la création de chansons, nous sommes intéressés par l'expérience immersive qui en découle. Nous enregistrons des albums et donnons des concerts afin que les gens puissent vivre cette immersion du début à la fin de l'expérience de l'album ou du concert. Nous souhaitons qu'ils s'y abandonnent, qu'ils y ressentent toute la gamme des émotions», croit Jace Lasek.

Olga Goreas en pense autant : «Sur scène, nous nous efforçons de suggérer une expérience unique à nos fans, expérience cathartique qui transcende la matière de nos albums.»

«En tournée, reprend Jace, nos chansons évoluent, se raffinent. C'est aussi pour nous un défi que de les jouer à quatre (Kevin Laing, batterie, Richard White, guitares) et en maintenir les qualités orchestrales.

Avec ce nouvel album en poche, nous tournerons tant et aussi longtemps qu'on voudra de nous.»

Le groupe The Besnard Lakes lance mardi Until In Excess, Imperceptible UFO et se produit le samedi 13 avril au Cabaret du Mile-End.