Chemise à carreaux, tout en voix et en guitares, il a croisé un Démon vert qui marchait seul dans le couloir. «... la nuit passée ses p'tits yeux rouges m'ont glacé...»  Sur un rythme lancinant, des esprits du doute l'ont envahi. Dans la Slushau bord de la route, les pieds lui ont gelé, un pas plus rapide fut indiqué. Couché avec la lune, les souvenirs se sont balancés sur des rythmes chaloupés.

Jeudi soir, il était convenu d'entrer chez Placard et ses collègues. Devant un parterre bien garni à L'Astral, Dany  y a chanté son intérieur, ses amours et ses colères, avec la précision nécessaire aux opérations à coeur ouvert. L'expression avait l'air brut de prime abord, elle a eu tôt fait de s'attendrir. Le mec avait l'air taillé d'une pièce, on a eu tôt fait d'en réaliser la complexité. L'accent et le verbe relevaient du familier, on a eu tôt fait d'en apprécier la profondeur.

Graisse de bine? Les doutes ont macéré dans la douceur. Matante Line? «a toujours été la plus fine, c'est la première à m'avoir faire boire du gin», le tout exposé sur un folk rock viril,  joué à trois guitares (dont une steel), basse, batterie et voix fervente. Sauf l'accent de bleuet, soit dit en passant, cette voix fervente se distingue clairement des autres voix de bleuet qu'on connaît - on pense à Fred, Olivier et autres comparaisons erronées.

«Y a comme un renouveau musical, ça s'appelle le country», a blagué Placard. Effectivement, Désert était une chanson country. J'ai jamais pensé était aussi une chanson country, cette fois avec pont rock, chanson où le rêve (de la princesse) semblait devenir réalité. Les mains dans l'huile était également une chanson country; portrait d'un valeureux mécano, vie de garage, vie de prolo, vie de croyance et de désillusion.

À l'écoute de cette adaptation d'un air traditionnel, on s'est dit que Tom Waits était passé par Chicoutimi, que le narrateur y était retourné sur un coup de tête, et que le chanteur avait mis à profit son puissant organe de baryton léger. Même esprit bone machine pour Angélique, intense blues rock légèrement déconstruit, juste assez sale. Et tiré par une machine qui n'a rien à envier aux meilleurs engins folk-rock de ce continent - Guillaume Bourque (guitare, pedal-steel, voix), Michel-Olivier Gasse (basse, voix), Toots Macbeth (banjo, dobro, guitare, voix), Mathieu Vezio (batterie, voix).

La pause terminée, Dany est réapparu en t-shirt pour chanter des mots d'amour à sa légitime:  Sarah,  il la «serrerait dans ses bras même quand le plafond vole un peu bas.» T'es belle, la suivante, fut la déclaration fictive d'un garçon pâmé. Dans Relax, le narrateur tombait en amour avec une machine, et la voix remarquable de Dany Placard produisait les déflagrations nécessaires. Idem pour cette chanson de déprime et de colère qui crépitait dans le plexus:  Parc'qui m'fallait.

Entonné avec Chantal Archambault (dont Placard a réalisé le dernier album), Lucky Luke était dédiée à l'aîné de ses fils, Jules, 9 ans. Les rimes de papa étaient réussies. Et puis deux titres de l'album précédent le plus récent: Margo et Arianne, dégainées avec hachures humoristiques. Après un furieux punk-rigodon interprété par l'invité Martin Alary, Placard s'est dirigé vers les rappels sur un torrent de distorsion.

Ainsi, Dis-Moi a soulevé ses fans qui l'ont réclamé pour quelques suppléments de bonheur.  Raccourci, adaptation de Tom Waits chantée par tous les musiciens sur scène. Tout nu, blues rock tout frais. Et quelques yodles chantés en choeur avant de rentrer chez soi... sans n'être vraiment sorti de chez Placard.