MC, chanteur, compositeur, parolier et réalisateur, Boogat arpente les contrées électropicales. Sa nouvelle proposition: l'album El Dorado Sunset/El gran baile de las identidades.

Grand bal des identités? Et comment! Daniel Russo Garrido de son vrai nom, Boogat est né à Québec de père paraguayen et de mère mexicaine. Le couple s'était établi à Québec après s'être rencontré à l'Université Laval. Papa Russo et maman Garrido y ont gagné leur vie, y ont fondé leur famille, y vivent toujours.

«Je suis d'ici, j'aime vivre ici», dit Boogat.

«J'aime beaucoup le Mexique, mais la qualité de vie là-bas n'y est pas la même qu'au Québec. J'y suis allé souvent, moins au Paraguay où la vie est encore plus difficile.»

À Québec, Daniel a fait ses classes de hip-hop tout en poursuivant ses études collégiales et universitaires.

«Au cégep, confesse-t-il, je loafais pas mal! Je préférais rapper avec mes chums. Puis, je me suis inscrit à Laval en histoire et j'ai fini mon bac à l'UQAM. Je suis arrivé à Montréal en 2001. À Québec, je pouvais être big dans le hip-hop, alors qu'à Montréal tout le monde se fiche de toi si tu n'es pas très connu. Une belle claque dans la face!»

Au début de sa vie montréalaise, Boogat a bidouillé quelques rythmes, mais il a peu écrit et peu composé... En 2004, il a lancé un premier album, Tristes&belles histoires, d'expressions française et espagnole. En 2006, l'album Patte de salamandre a excité l'aile gauche des fans de hip-hop et de musiques émergentes de qualité. En 2008, RMX Vol. 1 fut tiré à quelques centaines d'exemplaires. Succès d'estime, belle réputation, cote à la hausse, mais...

«Mon concept solo en français ne tenait pas la route. Dans le contexte du rap keb, mon affaire était jugée trop intellectuelle. Alors que du côté de la chanson de qualité, je n'avais pas le niveau. Le cul entre deux chaises...»

En 2007, Boogat a connu le guitariste et compositeur montréalais Roberto Lopez, d'origine colombienne. «Sans trop y croire, je me suis mis à rapper avec le groupe de Roberto et tout le monde s'est mis à danser. Boum! Le monde aimait ça. Vers 2008, j'ai joué avec le groupe Pawa Up First, sorte de post-rock instrumental. Cool! Me retrouver dans ces différents contextes a pulvérisé bien des préjugés hip-hop.»

Ghislain Poirier

La rencontre décisive eut lieu en 2010: «Je croise le DJ et producteur [Ghislain] Poirier dans le Mile End, il me suggère qu'on fasse une toune ensemble. Il me fait parvenir un beat bizarre. C'était sombre et joyeux avec des sons de violon. Cette pièce est devenue une sorte de reggaeton industriel, intitulé Kalima Shop Titi.

«J'étais en train de déterminer si j'aimais ou pas lorsque Poirier m'a appris que ça sortirait sur un label en Argentine. Wow! Avec cette seule chanson, j'ai eu plus de visibilité qu'avec trois albums en français.»

Boogat avait trouvé le filon: son expression serait tributaire du hip-hop, mais aussi transculturelle, électronique, tropical bass. Depuis, il a créé et commercialisé plusieurs enregistrements qui l'ont mené à l'album El Dorado Sunset.

«Avec tous ces mixtapes, remixes et chansons mises en ligne gratuitement, j'ai eu un impact insoupçonné. Ç'a été la concrétisation de l'idée que je me faisais de la révolution technologique.»

Douze pièces

Plusieurs réalisateurs se sont consacrés à la douzaine de titres de l'album El Dorado Sunset, enregistré en espagnol. Les pièces ont été réalisées par le tandem munichois Schlachtofbronx, Nom de plume (Alexandre Arthur Bilodeau de Radio Radio), Kool Kyle (le Californien Kyle Canfield), Serge Nakauchi-Pelletier (Pawa Up First), Poirier, Rayer Olivera et par Boogat.

«Écrire des textes en français exige une telle qualité que j'ai peur de me planter, même si la musique est très bonne. En espagnol, on aime les bons textes, mais s'ils sont ordinaires et que la musique est super bonne, on s'en sort. Avec cet album, je m'adresse au public hip-hop franco, à celui de l'électro, aux hispanophones, etc.»

Au grand bal de ses multiples identités, Boogat, ne tourne le dos à personne.

El Dorado Sunset sort mardi. Le spectacle-lancement aura lieu le 13 février, 20h, à la Sala Rossa. Boogat se produira aussi le 23 février à Montréal en lumière.