Son idée était faite: pas question de monter sur scène simplement pour reproduire son album Les atomes. Trop convenu au goût de ce grand voyageur qui préfère les sentiers peu balisés. Son «show laboratoire exotique», Martin Léon a d'abord voulu le placer sous le signe de la rencontre. Avec la musique pour prétexte et pour ciment.

On l'a vu guitare en bandoulière, appuyé par le percussionniste Pascal Racine-Venne. On l'a entendu chanter, de manière extrêmement dépouillée, neuf des onze chansons des Atomes et quelques titres de ses albums précédents comme Le râteleur et, en finale, une version très délicate, presque fragile, de J'aime pas ça quand tu pleures.

Une fois qu'on a écrit ça, on n'a encore rien dit. L'essentiel de ce rendez-vous intimiste se joue dans ce qui encadre les interprétations. En un peu moins de deux heures d'un périple lent, Martin Léon raconte - en mots et en vidéo - ces séjours en Asie du Sud-Est qui ont inspiré plusieurs chansons de son dernier disque, paru à l'automne 2010.

Le voilà qui replonge dans une nuit d'hallucinations dans un village perdu du Laos. Ou dans ses discussions scientifico-philosophiques avec un comptable amateur de guitare qu'il a rebaptisé «funkytown» parce que c'était plus facile à dire (et aussi plus drôle) que son vrai nom. Photos à l'appui, il raconte les «dépanneurs» flottants de la baie de Ha Long, au Viêtnam.

Tout ça pour quoi? Pour se dévoiler, lui, et surtout pour éclairer l'origine de ses chansons et des questionnements existentiels qui les traversent. Le compositeur va même jusqu'à décortiquer L'invisible - l'une de ses chansons les plus touchantes et poétiques - du riff de basse fondateur... aux «erreurs» qu'il estime avoir commises dans les arrangements.

Le plus souvent, l'auteur-compositeur-interprète sait rendre ses récits intéressants. Il a la décontraction et l'humour qu'il faut pour ne pas s'en tenir à un scénario. Il faut néanmoins dire que ce «laboratoire exotique» impose un deuil à ceux qui ont écouté et aimé le disque Les atomes: ces arrangements soignés, empreints de groove et de sensualité, ce spectacle nous en prive.

Et ce n'est pas rien: Martin Léon est devenu un poète contemplatif de talent, mais il séduit et émeut encore d'abord par la richesse charnelle et narrative de ses musiques. Les interprétations, axées sur une guitare (électrique ou non) et la voix, peuvent ainsi paraître un peu chenues compte tenu des attentes. Elles sont toutefois loin d'être pauvres pour autant.

Ce «laboratoire exotique», qui fait momentanément penser aux cinéconférences de type Les grands explorateurs, est un beau risque. Une formule libre, trop rare, dans laquelle l'artiste s'ouvre, mais à laquelle il manque un petit quelque chose: un plus grand souci de faire sentir au spectateur en quoi il devrait se sentir concerné, lui aussi, par ces aventures qui, visiblement, changent profondément la vision que Martin Léon a du monde et de ceux qui l'habitent.

Jusqu'au 1er février au Quat'Sous.