À la tête de la Société de musique contemporaine du Québec (SCMQ) depuis 25 ans cette année, Walter Boudreau ne se lasse pas de lancer des projets de grande envergure. Son but: faire connaître cette musique à un plus vaste public. Par l'entremise de ces moments, il trouve quand même le temps de composer. Sa dernière oeuvre, le Concerto de l'asile, sera créée cette semaine par Alain Lefèvre et l'Orchestre symphonique de Montréal.

«À travers les grands événements participatifs que j'organise, ainsi qu'à travers certaines oeuvres que je compose et qui sont plus accessibles que d'autres, mon but est d'intégrer la musique contemporaine à la société. Ce n'est pas tout le monde qui aime les films de Gilles Carle, le théâtre de Michel Tremblay ou les chorégraphies de Marie Chouinard. Mais ces artistes sont reconnus et intégrés par la société. Les compositeurs, on fait bande à part. Les gens ont peur de la musique contemporaine. On devrait aussi, en musique, arriver à un stade où le compositeur fait partie intégrante de la société et n'est pas considéré comme un extraterrestre.»

Petite histoire d'un concerto

L'histoire du Concerto de l'Asile est faite d'amitiés et de chemins croisés. L'oeuvre s'inspire d'un court morceau écrit il y a huit ans, La valse de l'asile, commandée par Lorraine Pintal, directrice du Théâtre du Nouveau Monde. Jouée à l'orgue de Barbarie, elle était intégrée dans une pièce de Claude Gauvreau présentée par le TNM, L'asile de la pureté. Alain Lefèvre, qui assistait à la première, a demandé au compositeur d'en faire une version pour piano. Ce fut le début d'une belle amitié. Plus tard, La valse de l'asile est devenue l'indicatif musical de l'émission radiophonique du pianiste.

«Lui et moi avons en commun de venir de milieux modestes et de croire que la grande culture, c'est pour tout le monde, dit Boudreau. Nous nous retrouvons aussi dans la croisade pour l'histoire musicale du Québec. Ici, on a la mémoire courte. Et on fait trop souvent des «martyrs» de nos grands créateurs: Gauvreau, Vivier, Nelligan, André Mathieu. Alain Lefèvre est le premier pianiste québécois d'envergure internationale qui défend la musique des compositeurs d'ici. Il est passé d'André Mathieu aux Préludes de François Dompierre à mon concerto. Cela faisait des années qu'il me demandait d'en composer un pour lui. J'ai exploré plusieurs avenues et tourné autour du pot pendant un moment avant que l'évidence me saute aux yeux: puisque c'était la valse de l'Asile qui avait d'abord séduit Lefèvre, pourquoi ne pas l'utiliser comme pierre sur laquelle j'allais construire mon oeuvre?»

On entend d'ailleurs la Valse dans son intégralité dans le troisième mouvement du concerto. Le premier et le troisième mouvement portent le nom de pièces de Gauvreau.

«Dans le premier, Les Oranges sont vertes, le piano représente Gauvreau et l'orchestre, la société obscurantiste de l'époque. L'atmosphère est trouble. Le deuxième mouvement s'appelle St-Jean-de-Dieu, l'hôpital psychiatrique où il fut enfermé. Et le troisième, c'est La charge de l'orignal épormyable. Alain m'avait demandé que cela finisse bien, et c'est le cas. Je tue Gauvreau: il y a alors un cortège funèbre terrible. Mais je le ressuscite et je lui redonne sa gloire posthume.»

Orchestre symphonique de Montréal et Alain Lefèvre, 15 et 16 janvier, 20h, Maison symphonique. Directeur musical: Ludovic Morlot.

Walter Boudreau et la SMCQ en cinq grands projets:

1997: Il lance le volet SMCQ Jeunesse pour élargir les horizons musicaux des jeunes.

2000: La Symphonie du Millénaire réunit 2500 interprètes, 2000 carillonneurs, 15 ensembles, 15 clochers et attire 70 000 spectateurs.

2003: Première présentation du festival Montréal Nouvelles Musiques, qui a lieu aux deux ans. Il est passé de 6000 spectateurs à sa première année à 20 000 en 2011.

2011: Concert Apportez votre cellulaire, en collaboration avec Yves Daoust. Un concert auquel les 1200 spectateurs participent activement en faisant sonner leur téléphone aux bons moments.

2016: Pour les 50 ans de la SMCQ, il projette un événement titanesque: une symphonie portuaire le long du Saint-Laurent, jouée simultanément dans 12 villes par 3333 interprètes, le 24 juin.