Deux ans et des poussières après avoir publié Les atomes, disque poétique au groove omniprésent, Martin Léon le porte enfin sur scène. Un peu las des tours de chant rock en formule groupe, il a tracé les grandes lignes d'un spectacle ouvert à l'imprévu où il racontera en sons et en images la genèse de ces chansons écrites «sur un scooter dans la jungle».

Pourquoi pas? Pour plusieurs, c'est une question. Pour Martin Léon, c'est plutôt une réponse. C'est même sa principale motivation par les temps qui courent. «Pourquoi se limiter?», demande l'auteur-compositeur-interprète, attablé devant un réconfortant gobelet de genmaicha, délicieux thé vert au riz grillé.

Désert en cette fin de matinée neigeuse, ce restaurant où le créateur a ses habitudes dégage une zénitude sensuelle: un bleu riche domine la déco, aussi composée de lanternes rouges et d'images de geishas. Même les poissons tropicaux qui paressent dans l'aquarium donnant sur la rue semblent en harmonie avec l'hiver.

L'improbable équilibre qui imprègne l'endroit colle parfaitement à l'univers de Les atomes, disque folk aérien, groovy et imagé où Martin Léon cherche de manière poétique le sens du grand puzzle qui relie les êtres, la nature et les éléments. «Je suis un chercheur, un archéologue des moeurs, avance-t-il. Au sortir de mes explorations, j'écris des tounes.»

Écrire des «tounes» n'est pas un geste qu'il prend à la légère. Cinq années se sont écoulées entre ses deux premiers albums solos Kiki BBQ (2002) et Le facteur vent (2007). «Je n'avais rien à dire», a-t-il répété à l'époque pour expliquer son silence discographique. Le long délai entre la parution de Les atomes, à l'automne 2010, et sa transposition sur scène trouve son explication dans un raisonnement semblable.

Martin Léon n'avait pas le goût de revenir sur scène avec un quintette rock classique. Trop convenu à son goût. «Surtout pour un album comme Les atomes, qui a été écrit en voyage», ajoute-t-il, évoquant ces séjours en Asie au cours desquels il a gratté sa guitare, rempli des carnets et croqué des images qui ont nourri ses chansons.

Il cherchait un «nouveau langage» pour mieux rendre l'expérience humaine et créatrice que fut cet album. Et pour faire honneur à la scène, lieu qu'il juge sacré. «Tu ne montes pas sur scène si tu n'as rien à dire, juste pour flasher, juge-t-il. Avoir une tribune, c'est un privilège et c'est un lieu où partager le meilleur de moi-même.» Du moment qu'il sent qu'il a quelque chose à dire.

Happening scénarisé

Le concept de sa «carte blanche» au Quat' Sous est né lors d'une soirée entre amis, alors qu'il revenait de Tokyo où il était allé avec Philippe Falardeau pour présenter Monsieur Lazhar, dont il a signé la musique. Il a rouvert ses carnets, tout le monde s'est mis à parler voyage, à raconter des anecdotes, à sortir photos et musique. «C'est le genre de soirées que je préfère», avoue Martin Léon.

Il a donc imaginé un spectacle mêlant musique, photos, bouts de films, une partie conférence au cours de laquelle il analyse des bouts de chansons et... de la place pour l'imprévu. Comme en voyage. «C'est comme si on se rencontrait dans une auberge et qu'on se racontait où on en est», résume-t-il.

«Ce n'est pas la fleur où la tige d'un projet que je présente, c'est la racine», insiste l'auteur-compositeur-interprète. Un truc intime que, normalement, il ne ferait que devant un public trié sur le volet: amis intimes, famille... Il a le trac. Mais il plonge, à cause de deux petits mots et d'un signe de ponctuation: pourquoi pas?

Martin Léon refuse de limiter son champ d'action. Il veut plutôt ouvrir le champ des possibles. Et le voilà qui raconte une brève discussion avec Tom Waits, après un concert à Vancouver, où il avait demandé au songwriter californien pourquoi il se produisait seul sur scène alors que ses albums sont arrangés avec soin. Sa réponse? «Why not?»

Ce «pourquoi pas?» n'a rien d'une boutade nonchalante pour Martin Léon. Il y voit plutôt un refus constructif de la convention. «Beaucoup de gens qui pourraient transformer les choses dans le monde occidental sont stoppés par quelque chose parce qu'ils n'ont pas ce why not? en arrière de la tête», regrette le musicien.

Sa «carte blanche» se veut ainsi une soirée de présence et de partage sans faux semblant. Un «show slack» où il sera accompagné du multi-instrumentiste Pascal Racine-Venne, du projectionniste Joël Beaupré et du sonorisateur Stéphane Lafontaine. Lui, sera au micro et à la guitare électrique.

Martin Léon sait qu'il va jouer Les atomes presque au complet et reprendre plusieurs chansons de ses albums précédents. Il sait d'où il part et il une idée de là où il veut aller. Entre les deux? L'horizon est ouvert...

Du 10 au 26 janvier au Quat' Sous.