Robby Krieger a baptisé son groupe Jazz Kitchen pour qu'on ne se méprenne pas sur le genre de musique qu'ils jouent ensemble. Mais ça n'empêchera surtout pas le guitariste de revisiter quelques chansons des Doors au Upstairs la semaine prochaine.

Robby Krieger qui joue du jazz à l'Upstairs? Il faut savoir qu'avant même de faire partie des Doors, le guitariste tripait jazz: Charlie Parker, John Coltrane, Wes Montgomery, des noms qui viennent à l'esprit à l'écoute de son plus récent album paru en 2010, Singularity.

«J'ai eu la chance de voir plusieurs de ces grands musiciens à l'oeuvre à Los Angeles au début des années 60, raconte le guitariste au bout du fil. Je n'avais pas l'âge requis pour entrer dans ces boîtes, mais à cette époque, on pouvait s'y faufiler. J'ai donc vu Wes Montgomery et Coltrane, mais pas Charlie Parker évidemment. Après les Doors, je me suis intéressé davantage au jazz, j'ai étudié l'oeuvre de ces gars-là et j'ai appris plusieurs leurs motifs mélodiques que j'essaie d'intégrer dans ma musique aujourd'hui.»

Le groupe qui l'accompagnera à la boîte de jazz Upstairs le 6 décembre, le Jazz Kitchen -«Je voulais qu'on sache qu'on n'allait pas jouer surtout des chansons des Doors», explique Krieger-, compte notamment trois musiciens qui ont fréquenté Frank Zappa: le bassiste Frank Barrow et le claviériste Tommy Mars ont joué sur Joe's Garage tandis que le batteur Chad Wackerman était du groupe de l'oncle Frank de 1981 à 1988. Le saxophoniste Larry Klimas complète la formation.

Miles Davis et flamenco

Singularity est le premier album de Krieger en une décennie, mais sa genèse remonte beaucoup plus loin dans le temps, raconte-t-il. «Quand Miles Davis est mort, Arthur Barrow et moi avons décidé de lui rendre hommage en s'inspirant de son album Sketches of Spain. Au départ, c'était surtout du flamenco. Puis, comme nous étions très occupés, nous avons délaissé ce projet pour y revenir il y a quelques années seulement dans le but d'en tirer un album.»

Robby Krieger a grandi en vénérant les guitaristes de flamenco Sabicas et Mario Escudero. Les fans des Doors n'ont pas oublié sa Spanish Caravan, dont Krieger a emprunté le thème à la pièce Leyenda en croyant qu'elle était du domaine public. Les Doors ont donc dû verser des redevances à un Français qui en détenait les droits.

«Après Spanish Caravan, je n'ai plus joué de flamenco, sauf quand je pratiquais à la maison, jusqu'à Singularity sur lequel deux pièces (Russian Caravan et Event Horizon) ont des intros à la manière flamenca. J'ai mis environ un an à me réchauffer avant de sentir que j'étais prêt à en jouer sur disque. Le flamenco, il faut en jouer presque tous les jours pour ne pas perdre la forme.»

Revisiter les Doors

Au Upstairs, Krieger et son groupe de jazz vont reprendre quelques chansons des Doors. Le guitariste mentionne Riders On The Storm et You're Lost Little Girl. «On va peut-être jouer Roadhouse Blues ou même Light My Fire -NDLR: que Krieger a composée-, mais j'en doute. On les joue différemment, mais vous allez les reconnaître.» Après la mort subite de Jim Morrison, en 1971, les trois survivants des Doors ont lancé deux albums, mais par la suite, Krieger s'est longtemps interdit de jouer des chansons de son ancien groupe.

«Je n'en ai pas joué pendant une vingtaine d'années, rappelle-t-il. Puis, un bon jour, je suis allé voir Wild Child, un groupe hommage aux Doors, et ils m'ont demandé de jouer avec eux. J'ai eu tellement de plaisir! Le public était en feu man, c'était presque comme dans le bon vieux temps. Je me suis donc mis à intégrer des chansons des Doors dans mon répertoire puis en l'an 2000, j'ai appelé Ray et John (Densmore, le batteur) et leur ai proposé de recommencer à jouer des chansons des Doors. John ne voulait pas, mais Ray, si.»

Krieger et Manzarek font toujours équipe. Ils ont même recruté le chanteur du groupe Wild Child, Dave Brock, avec qui ils vont se produire en Inde en février 2013. Pas facile de se mesurer à la légende de Jim Morrison, comme l'a constaté Ian Astbury du groupe The Cult, qui chantait avec Krieger et Manzarek dans The Doors of the 21st Century, dans les années 2000.

«Oui, c'est très difficile, convient Krieger. Il se trouvera toujours des gens pour dire qu'on ne devrait pas tenter de ressusciter Jim Morrison, mais il y en a d'autres, nombreux, qui veulent nous voir jouer cette musique. Tant qu'il en voudront, Ray et moi allons continuer.»

Bon an, mal an, il se vend encore un million d'albums des Doors de par le monde. Et les trois ex-Doors sont constamment sollicités par de jeunes artistes qui leur vouent un culte, dont le DJ Skrillex et le rappeur Tech N9ne.

«Je n'aurais jamais pensé que ça durerait si longtemps, commente Krieger. Par contre, ça ne m'étonne pas tant que ça parce que la bonne musique dure éternellement. On écoute encore du Bach et toutes sortes de musiques d'autres époques. Pourquoi pas du rock and roll?»

Robby Krieger's Jazz Kitchen, au Upstairs, le 6 décembre à 19h et 21h45.