Une performance au gala de l'ADISQ vaut bien un Félix, dit-on dans le milieu. Marie-Pierre Arthur, nommée cinq fois, est rentrée sans statuette dorée, mais elle a chanté devant plus d'un million de personnes. Avec ce plaisir contagieux et cette énergie juvénile qui gagnent lentement la France et qu'on retrouvera ce soir à La Tulipe en ouverture de Coup de coeur francophone.

Surlendemain de veille de gala de l'ADISQ. Marie-Pierre Arthur commande un café en songeant après coup qu'elle aurait bien voulu un thé. Elle s'est levée très tôt en ce mardi matin, pour aller à la télé avant de s'arrêter à La Presse sur le coup de 9 h. Son énergie est en veilleuse, mais la chanteuse a les idées claires. Et elle les fait valoir avec un mélange de candeur et de fermeté qui n'appartient qu'à elle.

Marie-Pierre Arthur s'est présentée au gala de l'ADISQ fière de ses cinq nominations, mais aussi consciente de la compétition. Sans trop d'attentes, donc. «C'est la performance qui m'a le plus énervée», assure celle qui a participé, sourire aux lèvres, au numéro d'ouverture avec Ariane Moffatt, Vincent Vallières et Olivier Langevin.

«Dans ma tête, j'avais huit ans et demi!», lance-t-elle. Son tour de piste terminé, elle s'est affalée dans son fauteuil, à côté de son amoureux, François Lafontaine, de Karkwa. «J'avais tout donné, je n'avais plus d'énergie pour la soirée», dit-elle. Ce qui ne l'a pas empêchée de veiller tard.

Remarquée à la basse auprès d'Ariane Moffatt, entendue sur les disques de Karkwa et, plus récemment, de Louis-Jean Cormier et de Yann Perreau, Marie-Pierre Arthur trace son propre sillon depuis le lancement de son premier disque, en 2009. Racines folk, attitude rock, atmosphères texturées et chant virevoltant, elle affiche un son riche et explore avec habileté la tension entre envies romantiques et indépendance farouche.

Ses liens avec Karkwa sautent parfois aux oreilles (le début de Pour une fois, par exemple), mais ce n'est pas comme si c'était une liaison dangereuse. Son appartenance à la famille élargie de Karkwatson (elle est proche de Robbie Kuster, batteur de Patrick Watson) constitue même un atout en Europe.

Plusieurs articles dont celui, dithyrambique, publié dans l'hebdomadaire Les Inrocks, cet automne, rappellent positivement cette filiation.

Marie-Pierre Arthur sourit à l'évocation du papier des Inrocks. Oui, ça fait plaisir. «Ça va super bien là-bas. Surtout en radio, ça tourne au boutte», dit-elle à propos de Si tu savais, chanson tirée de son album Aux alentours, paru ici en février dernier. Elle a très peu joué en France jusqu'ici. Un petit spectacle en 2010, notamment, pour «cruiser» une étiquette de disques. Polydor, liée au géant Universal, a craqué et publié Aux alentours.

Marie-Pierre Arthur ne rêve pas d'une grande carrière à millions en Europe. Elle serait très heureuse de s'y constituer un public qui la suivrait «dans ses buzz» d'un album à l'autre. «Un peu comme Cat Power. De l'underground à grand déploiement. Je sais, j'y vais un peu fort», dit-elle en s'excusant presque de viser un tel statut. Cat Power est, en France comme ailleurs, une artiste culte.

Trouver l'équilibre

Elle ne veut toutefois pas se tuer à la tâche comme ont pu le faire les gars de Karkwa. «Ils sont allés à la guerre», dit-elle, avec un mélange d'effroi et de respect, évoquant les tournées incessantes et éreintantes.

«Il va falloir que ce soit moi, le boss, poursuit-elle. Je vais décider quand je pars et pour combien de temps. Il faut que tout le monde soit en santé, que la famille marche, que le couple marche et que la musique marche. Je ne veux pas que la musique marche et que tout foire à côté. Sinon, ça ne m'intéresse pas.»

Elle retournera en Europe en décembre, puis au printemps. D'ici là, elle foulera les planches un peu partout au Québec et ce soir à Montréal. «Je me sens profondément dans mes affaires quand je suis sur un stage, dit-elle. Si je sens que tout se passe bien, je ne me rends plus compte que c'est moi qui suis en avant. En fait, je ne le vis pas comme si ça dépendait de moi, mais du show. Et moi, je fais simplement partie du show

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Marie-Pierre Arthur, ce soir, à 20 h, à La Tulipe.