«C'est très embarrassant, mais The Killers vient de me téléphoner pour une urgence qui fait en sorte que je dois être à Vegas demain. Peut-on remettre notre entrevue?»

En plus d'être d'une politesse infinie pour déplacer notre rendez-vous, le réalisateur, mixeur, programmeur et compositeur Damian Taylor a travaillé avec des grands: il a été le directeur musical de Björk et son grand complice pour Biophilia, il a réalisé des albums pour Unkle, The Prodigy, Austra et The Killers, en plus de signer de nombreux remix et de travailler avec Arcade Fire, Kasabian et Ubisoft. Nous ignorions que le réalisateur habite à Montréal depuis près de trois ans avec sa femme et sa fille de 5 ans. C'est ce que nous a appris en entrevue le chanteur australien Gotye (derrière le tube Somebody That I Used to Know), de même que Diamond Rings, dont Taylor vient de réaliser le nouveau disque Free Dimensional.

Damian Taylor passait l'aspirateur quand il nous a accueillie dans son nouveau studio du Mile-End, le Golden Ratio. C'était un vendredi en fin d'après-midi, et il avait des heures de travail devant lui «à brancher des fils».

L'ingénieur de son de 35 ans a eu une vie familiale aussi trépidante que sa vie professionnelle. Né à Halifax, il a grandi à Edmonton et vécu son adolescence en Nouvelle-Zélande, avant de lancer sa carrière de réalisateur à Londres. En 2007, il était en vacances pour quelques jours à Montréal quand le réalisateur Howard Bilerman, du studio Hotel2Tango, lui a fait visiter le Mile-End. «Les gens d'Arcade Fire, que j'avais rencontrés en tournée, me disaient à quel point nous sommes bien ici. Pour moi, Montréal est central: c'est facile d'aller à New York, à Los Angeles et en Europe.»

Damian Taylor est un être créatif, perfectionniste, mais aussi un expert en technique. Au secondaire, il jouait de différents instruments et faisait partie d'un groupe rock, mais c'est lorsqu'il a acheté un enregistreur quatre pistes qu'il a trouvé sa vocation. «J'aimais l'idée de passer d'un band à l'autre et d'un univers musical à l'autre.»

Précurseur

Sa famille a déménagé à Londres et le jeune passionné des sons s'est rapidement trouvé du boulot dans un studio où, à 21 ans, il a eu la chance de rencontrer le compositeur et réalisateur Guy Sigsworth, associé à Madonna et à Seal. «Je lui ai demandé des conseils pour être pigiste, et il m'a demandé de l'assister dans tous ses projets. C'est grâce à lui que j'ai travaillé avec Björk.»

Taylor et Sigsworth étaient des visionnaires en étant parmi les premiers à enregistrer leur matériel avec un logiciel «pré-Pro Tool» (sans entrer dans les détails, disons qu'ils révolutionnaient les techniques d'enregistrement de l'époque). Les deux acolytes ont beaucoup bossé au studio Strongroom. «L'Abbey Road de la musique électronique», selon Damian Taylor.

Damian Taylor y a rencontré Neil McLellan - «grâce à qui j'ai travaillé avec The Prodigy», dit-il. «J'étais le jeune qui faisait des trucs à l'ordinateur et qui travaillait jour et nuit», se souvient-il.

Taylor a aussi mis au point une technique pouvant corriger la voix des chanteurs pop (comme Auto-Tune aujourd'hui). C'était une période lucrative de sa carrière, mais pas nécessairement créative. À l'époque, cela a permis à Taylor de rencontrer d'autres gens réputés, dont Adrian Bushby, «qui a travaillé avec Muse et les Foo Fighters».

Quelques années plus tard, Björk a de nouveau sollicité les services de Taylor pour être le directeur musical de l'aventure et de la tournée de Biophilia, qui se voulait une transposition sonore des forces de la nature. «Travailler avec elle, c'est imprévisible, car le projet se bâtit instinctivement de jour en jour.»

Le projet a pris plusieurs formes, pour finalement devenir un album et une application. Taylor a mis au point une technologie unique «permettant de faire un album acoustique avec des instruments virtuels générés électroniquement».

Vous l'aurez compris, Taylor est un «patenteux» qui peut travailler plus de 72 heures de suite sans dormir. «J'aime ce mood de travail où l'on se désengage de la réalité», explique-t-il, avant d'être interrompu par un appel d'un artisan de Moment Factory pour un projet de collaboration.

Son travail? «J'aide les artistes à exprimer leur vision. Certains savent ce qu'ils veulent comme son, mais ne sont pas capables d'y arriver [...]. D'autres veulent mon point de vue.»

«Pour moi, découvrir un artiste, c'est comme aller dans un nouveau pays où il faut apprendre les coutumes», ajoute-t-il.

Sa carrière, ses aptitudes, sa réputation... Damian Taylor est un autre grand talent musical qui a choisi Montréal comme ville d'adoption.

En rafale

> Le nouvel album de Céline Dion, Sans attendre, est en écoute sur le site de ZIK jusqu'à sa sortie, le 5 novembre.

> Plusieurs spectacles sont annulés sur la côte Est américaine à cause de l'ouragan Sandy. The XX a reporté ses prestations à New York, Philadelphie et Baltimore, et Grimes n'a pas joué à Brooklyn comme prévu avant-hier.

> Fortement associé à Barack Obama et au Parti démocrate, le groupe The National a été furieux de voir des étudiants conservateurs de l'Ohio utiliser sa chanson Fake Empire en appui à Mitt Romney - d'autant plus que la pièce se voulait anti-Bush.

Suggestion de la semaine



Night Engine

Du rock inspiré de David Bowie et Franz Ferdinand? Voilà ce que propose le groupe Night Engine, formé à Londres pas plus tard qu'en janvier dernier. Les trois chansons en écoute se veulent dansantes, inspirées, prenantes, bourdonnantes, bien arrangées et artsy... On aime! soundcloud.com/nightengine

Sorties de la semaine



> Travelling Love, Elisapie

> L'escapade, Ingrid St-Pierre

> 18 Months, Calvin Harris

> Smalhans, Lindstrom

> Hands of Glory, Andrew Bird

> Cee-Lo's Magic Moment, Cee-Lo Green

> Psychedelic Pill, Neil Young & Crazy Horse

> Merry Christmas Baby, Rod Stewart