Une messe musicale avec Godspeed You! Black Emperor. Les belles voix des soeurs Boulay dans un 5 à 7 acoustique. Loco Locass qui rappe en feu deux jours avant les élections. Avec pas d'casque dans l'intimité d'un salon. Un spectacle secret de Dany Placard dans une ruelle. Plants and Animals en parfaite symbiose sonore. Adamus, Dumas et Ferland qui se produisent gratuitement à même le bord de l'eau. Tout cela à 600 kilomètres de Montréal, au 48e parallèle nord.

Il y avait un paradis musical le week-end dernier, et c'était à Rouyn-Noranda, où le Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FMEAT) fêtait son 10e anniversaire.

Le spectacle extérieur gratuit avec Bernard Adamus, Dumas et Jean-Pierre Ferland a attiré 11 000 personnes sur la plage Kiwanis, dimanche soir, gonflant l'achalandage total à 32 000 festivaliers. Le record de l'an dernier (18 500 entrées) a ainsi été battu haut la main.

Lisez-en plus sur le FMEAT sur le blogue d'Émilie Côté

«Faire une scène sur l'eau, je pense que c'était une première au Québec. [...] On voulait faire quelque chose de plus grand pour le 10e anniversaire, indique le président fondateur Sandy Boutin. Mais on va rester dans la formule du plus petit.»

Cette formule intimiste fait en effet le charme et la réputation du festival, et lui permet d'attirer des journalistes européens et anglophones, et des responsables d'importants festivals en Europe (Jean-Jacques Toux, des Vieilles Charrues, notamment).

L'image des festivaliers réunis pour la dernière fois au Cabaret de la dernière chance, dimanche soir, résumait bien l'ambiance à la fois authentique et exotique du FME. Un journaliste d'Angleterre jase avec un amateur de musique venu de Montréal. Dumas boit un verre pas loin de Bernard Adamus sur la terrasse, alors que Sébastien Ricard de Loco Locass se faufile à l'intérieur du bar, où des étudiants de Rouyn-Noranda écoutent le spectacle de Michèle O. Un peu partout se mêlent des gens de l'industrie, des bénévoles et des gens de la place. Le party le plus branché en ville? Plutôt le plus sympathique et sans faux-semblants.

Quelqu'un nous demandait en quoi l'ambiance du Festival de musique émergente est différente de celle d'autres festivals estivaux comme Osheaga.

Pour reprendre les paroles de Sandy Boutin, c'est que «le festival est incarné partout dans la ville». Les spectacles n'ont pas lieu dans un site aménagé pour l'événement; ils sont parsemés un peu partout dans Rouyn-Noranda. Les festivaliers de l'extérieur se mêlent donc à la population locale dans les restaurants et les bars de la ville.

Au cours du week-end, Suzanne Trudel et son mari ont vu plusieurs spectacles gratuits avec leur fille de 21 ans qui vit à Montréal. «Le festival a une belle diversité. Ça crée un pôle d'attraction pour les étudiants et ça fait connaître Rouyn, explique celle qui a découvert la chanteuse Ines Talbi. Ça attire les jeunes et ça nous garde jeunes!»

Parmi les quelque 70 spectacles qui ont eu lieu tout au long du week-end, soulignons ceux de Feist, Lisa LeBlanc, Marie-Pierre Arthur, Groovy Aardvark, Peter Peter et Half Moon Run. Coup de coeur généralisé pour les deux prestations d'Avec pas d'casque, pour la fougue rock de Plants and Animals et pour le spectacle du mythique groupe montréalais Godspeed You! Black Emperor dans une ancienne église (son seul concert au Canada cette année).

Au chapitre des découvertes, le trio électro breton Juveniles (signé sur le label branché Kitsuné) a suscité l'enthousiasme, tout comme le groupe français Pneu, qui donne dans le punk-rock-garage-noise. C'est sans compter Ladylike Lily, dont la voix douce et séduisante de belle Française qui chante en anglais sert une musique électro-acoustique rock finement construite et arrangée.

Les confidences de Ferland

La conférence de presse que Jean-Pierre Ferland a donnée en après-midi avant son spectacle fut un précieux moment de confidences. Il a parlé de la comédie musicale Madame Simpson (qu'il achève), de ses amis Félix Leclerc et Gilles Vigneault. Les larmes lui ont monté à l'oeil quand il a vanté le talent de son défunt claviériste, Franck Dervieux (dont l'album Dimension M vient d'être réédité). Ferland était prêt à lui donner le moyen de s'enlever la vie tellement le voir souffrir de son cancer était éprouvant.

La politique? Cela ne l'intéresse plus, mais «les Québécois sont peureux», dit-il.

La scène? «J'ai du plaisir à chaque standing ovation.» Chaque spectacle de Ferland est unique, car il choisit un leitmotiv qui lui permet de se raconter d'une pièce à l'autre.

«J'ai écrit 450 chansons. Quand je fais un spectacle, je ne dois pas choisir ce que je vais chanter, mais ce que je ne chanterai pas.»

L'accident vasculaire de Ferland a changé sa vie, mais aussi son rapport à la scène. «Avant, j'étais nerveux comme un fou. Je vomissais avant mes spectacles à l'Olympia. Depuis cet incident, je n'ai plus peur, mais je suis plus exigeant.»

Notre couverture complète du FMEAT sur blogues.lapresse.ca/musique

SORTIES DE LA SEMAINE

> Sun, Cat Power

> Centipede Hz, Animal Collective

> Beacon, Two Doors Cinema Club

> Confidences, Roch Voisine

> Les murs blancs du Nord, Catherine Durand

> The North, Stars

> I Know What Love Isn't, Jens Lekman

> Break Up Song, Deerhoof

> 4th Street Feeling, Melissa Etheridge

> The Vaccines Come of Age, The Vaccines

> Ladilafé, Tryo

> Trouble Man, T.I.